Commissaire du gouvernement (France)
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En France, l’appellation Commissaire du gouvernement désigne deux fonctions tout à fait distinctes et sans rapport : devant certaines juridictions, il s’agit d’un membre de la juridiction elle-même intervenant à l’audience pour analyser le litige et proposer une solution de droit ; en revanche, devant certaines commissions administratives, il s’agit d’un représentant de l’administration.
Le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre a prononcé la délégalisation de l'appelation de commissaire du Gouvernement. Un décret en conseil des ministres, après avis du Conseil d'État, devrait donc prochainement changer le nom de cette fonction, au profit d'appelations comme « commissaire à la loi » ou « commissaire du droit »[1].
Sommaire |
[modifier] Devant les juridictions administratives
[modifier] Devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et les formations contentieuses du Conseil d'État
Le commissaire du gouvernement est une fonction créée par une ordonnance du 12 mars 1831 devant le Conseil d'État. C'est un magistrat (devant un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel) ou un membre du Conseil d'État (devant le Conseil d'État), qui « expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. » (article L7 du Code de justice administrative)
Dans l'arrêt Esclatine du 29 juillet 1998 [2], le Conseil d'État décrit ainsi le rôle du commissaire (dans une formulation qui rappelle celle de son arrêt Gervaise du 10 juillet 1957) : « le commissaire du gouvernement [...] a pour mission d'exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient » ; il n'est pas une partie au litige et prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction, ces conclusions n'étant pas soumises à une discussion contradictoire par les parties.
L'ancien article R731-7 du Code de justice administrative, tel qu'il résultait du décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005 [3], disposait : « Le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n'y prend pas part. ». Cette disposition n'était pas compatible avec la position de la Cour européenne des droits de l'homme exprimée par l'arrêt Loyen contre France du 5 juillet 2005 [4] et l'arrêt Martinie contre France du 12 avril 2006 [5].
A compter du 1er septembre 2006, le décret n° 2006-964 du 1er août 2006 [6] change la donne. Il dispose qu'au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : « La décision est délibérée hors la présence des parties et du commissaire du Gouvernement », tandis qu'au Conseil d'État : « Sauf demande contraire d'une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n'y prend pas part. ». Il n'est pas sûr que ces modifications suffisent à mettre fin aux réserves de la Cour européenne des droits de l'homme sur la question.
[modifier] Devant les chambres régionales des comptes
L'article L212-10 du Code des juridictions financières [7] dispose : « Chaque chambre régionale des comptes comporte un ou plusieurs commissaires du Gouvernement, choisis parmi les magistrats membres du corps des chambres régionales des comptes, qui exercent les fonctions du ministère public et sont les correspondants du procureur général près la Cour des comptes. ».
[modifier] Devant le Tribunal des conflits
L'article 6 de la loi du 4 février 1850 portant sur l'organisation du tribunal des conflits dispose: « Les fonctions du ministère public seront remplies par deux commissaires du gouvernement choisis tous les ans par le Président de la République, l'un parmi les maîtres des requêtes au Conseil d'Etat, l'autre dans le parquet de la Cour de cassation. » Le Tribunal ne peut statuer qu'après avoir entendu les conclusions du commissaire du gouvernement (art. 4 de la loi). Si le rapporteur appartient au Conseil d'État, alors le commissaire du gouvernement doit être un magistrat de la Cour de cassation, et réciproquement (art. 7 de la loi).
[modifier] Devant divers autres conseils, commissions et juridictions
Dans ce dernier cas, un commissaire du gouvernement est une personne, généralement un fonctionnaire, chargée de représenter le gouvernement ou l'administration. C'est un tout autre rôle que celui du commissaire du gouvernement devant les formations contentieuses du Conseil d'État.
On trouve ainsi des commissaires du Gouvernement :
- assistant les membres du Gouvernement devant les assemblées parlementaires (article 31 alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958) [8],
- lors de l'examen des projets de décrets ou des projets de lois devant les sections administratives du Conseil d'État [9],
- auprès de la CNIL,
- auprès de la Commission nationale d'équipement commercial,
- auprès de certains organismes de sécurité sociale, comme la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés [10], la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales [11], ou l'union des caisses nationales de sécurité sociale [12].
[modifier] Dans la procédure en fixation des indemnités d’expropriation
C'est enfin l'appellation du fonctionnaire assurant une sorte d'expertise au nom de l'administration devant le juge civil lors de la procédure en fixation des indemnités d’expropriation (article R13-7 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique[13]). Le décret n° 2005-467 du 13 mai 2005 portant modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, modifiant cet article, afin d'assurer la conformité de la procédure aux exigences de la Convention européenne des droits de l'Homme[14][15], a précisé que :
- la désignation du commissaire du fonctionnaire suppléant, dans cette fonction, le directeur des services fiscaux « ne peut porter sur des agents ayant, pour le compte de l'autorité expropriante, donné l'avis d'estimation préalable aux offres d'indemnité »,
- « Le commissaire du Gouvernement exerce ses missions dans le respect du principe de la contradiction guidant le procès civil. »
La Cour de cassation a récemment eu à juger une affaire concernant la procédure d'expropriation et a apporté quelques précisions [16]. Plusieurs commentaires d'universitaires peuvent également être consultés [17].
[modifier] Références
- ↑ Voir, sur la réforme en cours :
- Décision n° 2006-208 L - 30 novembre 2006 (Conseil constitutionnel)
- feu le commissaire du gouvernement, feu sur le commissaire du gouvernement ? (Frédéric Rolin)
- Attention : réforme imminente (blog "Droit administratif")
- Procès-verbal du CS des 10 Septembre 2005 et 8 Octobre 2005 du SJA (Syndicat de la justice administrative)
- ↑ Arrêt Esclatine
- ↑ Décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative
- ↑ Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'Affaire Loyen contre France
- ↑ Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'Affaire Martinie contre France
- ↑ Décret n° 2006-964 du 1er août 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative
- ↑ Article L212-10 du Code des juridictions financières
- ↑ Cf. Article 31 de la Constitution :
« Les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent.
« Ils peuvent se faire assister par des commissaires du Gouvernement. » - ↑ Article R123-24 du Code de justice administrative : « Dans chaque ministère, des décrets pris sur la proposition des ministres intéressés désignent des fonctionnaires ayant au moins rang de directeurs, qui sont habilités à assister en qualité de commissaire du Gouvernement aux séances du Conseil pour l'ensemble des affaires du département dont ils relèvent. Des fonctionnaires peuvent être en outre désignés par arrêté ministériel pour prendre part à la discussion d'une affaire déterminée.
« Les commissaires du Gouvernement assistent avec voix consultative aux séances de l'assemblée générale, des commissions ou des sections pour les affaires qui dépendent de leurs services. » - ↑ L'article L222-4 du Code de la sécurité sociale dispose que : « La caisse nationale est un établissement public national à caractère administratif . Elle jouit de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle est soumise au contrôle des autorités compétentes de l'État. »
« Celles-ci sont représentées auprès de la caisse nationale par des commissaires du Gouvernement. » - ↑ L'article L641-3 du Code de la sécurité sociale dispose de même que : « L'autorité compétente de l'État est représentée au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales par un commissaire du Gouvernement. »
- ↑ L'article D224-3 du Code de la sécurité sociale dispose que : « Le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé du budget sont représentés auprès de l'union des caisses nationales de sécurité sociale chacun par un commissaire du Gouvernement »
« Les commissaires du Gouvernement assistent aux séances du conseil d'orientation et sont entendus chaque fois qu'ils le demandent » - ↑ Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, art. R13-7
- ↑ CEDH, Yvon c. France, 24 avril 2003, no 44962/98
- ↑ Circulaire relative à l'entrée en vigueur du décret n°2005/467 du 13 mai 2005 portant modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, CIV 2005-16 D2/03-10-2005, NOR : JUSCO520646C, BO du Ministère de la Justice, n° 100 (1er octobre au 31 décembre 2005)
- ↑ Attendu « qu'il n'avait pas été fait application de l'article R. 13-35 du code de l'expropriation, ni des textes susceptibles de donner au commissaire du gouvernement une position dominante, que ce dernier avait été soumis dans la procédure aux mêmes obligations que les parties, celles-ci ayant été autorisées à répondre à ses observations, qu'à la demande de la cour d'appel et de l'exproprié, le commissaire du gouvernement avait produit l'ensemble des mutations réalisées en 2003 et 2004 sur la commune de Potelières et des communes limitrophes et que les parties avaient indiqué qu'elles ne s'opposaient pas à son intervention », la procédure a été régulière « au regard du principe de l'égalité des armes édicté l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Cf. Cass. 3ème civ., 11 octobre 2006, Société civile d'exploitation agricole La Ferme du bouc, N° 05-16099.
- ↑ Cf. Une tentative de « conventionnalisation » du Code de l'expropriation par René Hostiou (4 juillet 2005), et Instantané d'audience, à propos du caractère équitable de la procédure judiciaire en droit de l'expropriation par Frédéric Rolin (23 novembre 2006).
[modifier] Bibliographie
- Bernard Asso, Frédéric Monera (avec la collaboration de Julia Hillairet), Contentieux administratif , Studyrama, 2006. ISBN : 2-84472-870-7
- Didier Chauvaux, Jacques-Henri Stahl, « Le commissaire, le délibéré et l'équité du procès », AJDA 2005 Chroniques p. 2116
- Olivia Schwarz, La compatibilité entre la conception française et la conception européenne du commissaire du gouvernement près le Conseil d'Etat, mémoire de DEA de droit public, Université de Lille II, 2001-2002
- Bernard Stirn, « Convention européenne des droits de l'homme et commissaire du gouvernement », La lettre de la justice administrative, n°13, octobre 2006
[modifier] Liens externes
- Conclusions de commissaires du gouvernement célèbres
- Le rôle du Commissaire du gouvernement devant le Conseil d'État (arrêt Kress du 7 juin 2001), François-Guilhem BERTRAND
- Le statut des commissaires du gouvernement dans les juridictions administratives
- Sur la communication du sens des conclusions du commissaire du gouvernement, sur le site de Frédéric Rolin
- Dossier documentaire relatif au titre et à sa nature juridique sur le site du Conseil constitutionnel
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