Théorie des insiders-outsiders

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La théorie, ou le modèle des insiders / outsiders est un modèle théorique néo-keynésien qui permet d'expliquer certaines rigidités à l'embauche sur le marché du travail. Il est apparu en 1988, notamment avec les travaux des économistes Assar Lindbeck et Dennis Snower.

Sommaire

1 Le modèle théorique
2 Des rigidités endogènes au marché du travail à mettre en relation
3 Limites de la théorie
4 Applications de la théorie
5 Bibliographie
6 Voir aussi

[modifier] Le modèle théorique

Ce modèle oppose d'une part les insiders, par exemple salariés avec un contrat stable (comme par exemple sur le marché français le CDI : contrat à durée indéterminée) et de l'autre les outsiders, travailleurs précaires ou chômeurs. Il s'agit d'une représentation commune du marché du travail en terme de marché interne et marché externe, basée sur l'idée du dualisme du marché du travail de Paul Osterman. Les outsiders dont il est question, souvent jeunes (tranche d'âge de 18-24 ans), nouveaux venus sur le marché du travail, seraient prêts à travailler pour un salaire moins élevé que celui des insiders alors qu'on ne leur en laisse pas la possibilité.

Ce modèle permet de dégager le fait qu'en plus du montant du salaire, une variable prise en compte par l'employeur dans sa décision d'embauche (la « demande » sur le marché du travail, qui dépend de la productivité marginale du travail) est le coût du turnover, qui comprend par exemple le coût de licenciement de l'ancien personnel, celui du recrutement, le coût d'adaptation de la main-d'œuvre au poste... Sans compter la réglementation nationale qui peut fixer des seuils minimum de salaire, il s'agit déjà d'un désavantage relatif pour l'embauche d'outsiders.

L'analyse en terme d'insiders/outsiders insiste ainsi sur le rôle de l'action, et notamment de l'action syndicale, des insiders. Ils profitent de cette façon d'une véritable rente de situation en vue d'augmenter le coût du turn-over et surtout l'augmentation des salaires, au détriment de l'embauche de nouveaux salariés, réalisant leur profit indivuel avant le « bien collectif » (voir sophisme de composition).

[modifier] Des rigidités endogènes au marché du travail à mettre en relation

S'ajoutant et renforçant le modèle insiders / outsiders, d'autres théories expliquent la rigidité à l'embauche due à l'augmentation des salaires au détriment de la demande de travail. Ainsi la croyance de l'entreprise dans un salaire d'efficience, plus élevé que le salaire d'équilibre du marché, mais qui permet d'attendre une plus grande productivité de la part du salarié. En partie dans une recherche de productivité, on peut noter également le développement des cultures d'entreprises, qui impliquent encore davantage le salarié au résultat de son travail, mais se concentre sur un « noyau dur » de salariés, justement des insiders. Enfin, la thèse du contrat implicite de Costas Azariadis implique l'idée que la stabilité de l'emploi est recherchée autant par l'employeur que par les salariés (ceci est dû à leur aversion au risque), ce phénomène va en partie à l'encontre de celui de la flexibilité, qui pour les néoclassiques favorise l'emploi.

[modifier] Limites de la théorie

On peut reprocher à cette théorie néoclassique son manque de réalité humaine : certes il existe une offre de travail insatisfaite, mais ce phénomène n'est pas représentatif du chômage global ; elle tend de plus à faire apparaître comme des « favorisés » les salariés disposant d'un contrat de travail traditionnel (CDI) avec ses avantages sociaux, dont seraient victimes les outsiders toujours prêts à travailler. Le but d'une politique économique n'est pas nécessairement de résorber le chômage en créant pour cela des « travailleurs pauvres ». De plus, pour un économiste radical ou marxiste, la lutte des insiders en vue de favoriser l'embauche de CDI et non de précaires, et des salaires élevés, peut se voir autant comme une lutte corporatiste que dans une idée de solidarité ouvrière où ces avantages devraient échoir à tous. Ces économistes considèrent alors que le but de cette théorie des insiders / outsiders est de faire endosser le « choix » du chômage aux individus, alors qu'il naît de la volonté des entreprises à la logique capitaliste (c'est-à-dire la classe bourgeoise), qui sont en position de force sur le marché du travail et pour qui le chômage n'est pas un problème, mais au contraire une « armée de réserve » toujours disponible à moindre coût.

Le contre-argument néo-classique réside dans l'idée que faire baisser le chômage jusqu'à atteindre le plein emploi engendrera de fortes hausses salariale, comme c'est le cas par exemple en Angleterre ou aux États-Unis. On peut donc douter de l'existence d'une volonté corporatiste des entreprises pour agir dans le but de maintenir un chômage élevé et donc cette fameuse « armée de réserve ».

[modifier] Applications de la théorie

La théorie conduit à conclure que favoriser la flexibilité du marché du travail conduira à une répartition plus « juste » des emplois, chacun pouvant perdre son emploi face à un outsider plus compétent. De la même façon, en réduisant le risque et le cout de licenciement causés par les stratégies des insiders pour les employeurs, ceux-ci seront plus enclins à engager, et donc à réduire le chômage tout en augmentant la productivité de leur entreprise. Ce qui conduit à plus de croissance et de consommation, et donc à moins de chômage. Nous retrouvons un cercle vertueux, concept souvent utilisés dans les théories keynésiennes.

En pratique, les politiques économiques mises en oeuvre pour atteindre cette flexibilité consistent à supprimer les protections légales des salariés (pour favoriser les relations purement contractuelles), privatiser les entreprises publiques et/ou supprimer les statuts spéciaux des fonctionnaires, et surtout à réduire considérablement l'influence des syndicats et autres groupes de lobbying économique. Nous reconnaissons dans ces mesures ce qui fut le programme économique du premier ministre Britannique Margaret Thatcher, en particulier la terrible Grève des mineurs britanniques de 1984-1985, qui échoua au bout d'un an de lutte et anéantit le syndicalisme anglais. Ce programme apporta la prospérité à l'Angleterre, mais les inégalités y étaient également devenue extrêmement marquées avant le retour du Labour au pouvoir.