Modulateur endocrinien
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Un modulateur endocrinien, encore appelé perturbateur endocrinien est un composé xénobiotique à propriété hormono-mimétique — c'est-à-dire une substance chimique exogène pouvant avoir un impact sur l'équilibre hormonal d'une espèce vivante — qui a des effets indésirables sur la santé.
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[modifier] Découverte
L'impact des modulateurs endocriniens sur la santé a été mis en évidence dès les années 1950 : on a constaté dans de nombreux pays industrialisés la diminution de la fertilité de l’homme — altérations morphologiques et baisse du nombre de spermatozoïdes —, une augmentation de la fréquence du cancer du testicule, de la prostate et du sein, ainsi qu'une puberté féminine de plus en plus précoce. D'après les études épidémiologiques, l'exposition à des molécules hormono-mimétiques serait responsable de ces phénomènes.
L'hydrosphère constitue le réceptacle de nombreuses substances chimiques, telles les métabolites des hormones contenues dans les pilules anticonceptionnelles, présents en grande quantité dans les eaux résiduaires urbaines. Les organismes aquatiques sont les révélateurs d'une pollution des milieux aquatiques par les effluents. Le perturbateur endocrien en tant qu'altéragène biologique, physique ou chimique répond à la définition normalisée du mot polluant retenue par l'AFNOR.
Dans les années 1960, aux États-Unis, la baisse de fertilité des visons constatée par les éleveurs de la région des Grands Lacs, fut attribuée aux polluants bio-accumulés par les poissons. En 1988, les phoques de la mer du Nord furent décimés. En Grande-Bretagne, les poissons mâles vivant en aval d’une station d’épuration présentaient des caractères femelles. La découverte de l'altération du système reproducteur des alligators sauvages de Floride a relancé les travaux de recherche sur ce thème dans les années 1990.
[modifier] Sources de contamination
Parmi les perturbateurs endocriniens, on trouve des molécules naturelles — telles des phyto-hormones — ou synthétiques, entrant par exemple dans la composition de certains pesticides ou détergents :
- Composés naturels :
- myco-œstrogènes : zéaralénone ;
- phyto-œstrogènes : isoflavonoïdes.
- Composés synthétiques :
- antioxydants : alkylphénols ;
- composés organométalliques : sels de tributyl étain (TBT) ;
- détergents : alkylphénols, nonylphénol, nonylphénols polyéthoxylés ;
- médicaments : stéroïdes synthétiques, tels ceux utilisés dans les pilules contraceptives ;
- pesticides : organochlorés (DDT, HCH, PCDD) ou organo-azotés (triazines) ;
- plastifiants : alkylphénols,[nonylphénol], phtalates ;
- polychloro-biphényles (PCB).
Les polluants organiques persistants (POP), tels le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), les dioxines (PCDD) et les polychloro-biphényles (PCB), labiles et s’accumulant le long des chaînes trophiques, peuvent persister dans l’environnement plusieurs décennies, traverser les différents compartiments environnementaux — atmosphère, biosphère, hydrosphère, lithosphère — sans se soucier des frontières : on a ainsi découvert que les ours polaires pouvaient être contaminés par le DDT.
Chez l'homme, la contamination peut également être alimentaire, notamment avec les phytoœstrogènes (germe de blé, soja...), les migrants d’emballages, les résidus de pesticides, de détergents ou de médicaments. Un perturbateur endocrinien avéré pour l'homme est le diéthylstilbestrol (DES), œstrogène synthétique prescrit en France entre 1948 et 1977 aux femmes enceintes afin de prévenir le risque d'avortement. Le 17ß-estradiol — œstrogène naturel prescrit lors du traitement des femmes ménopausées (THS) — constitue un autre exemple.
[modifier] Effets
Les modulateurs endocriniens peuvent perturber la maturation sexuelle, le développement des organes reproducteurs — malformation des gonades ou régression pénienne — ou la reproduction et entraîner des cancers hormono-dépendants. Ils peuvent également perturber la fonction thyroïdienne, altérer le système immunitaire ou engendrer des troubles du comportement.
De nombreuses études écotoxicologiques sur les organismes aquatiques, en particulier sur les mollusques et les poissons, ont montré que ces molécules pouvaient conduire jusqu'à l'imposex, c'est-à-dire le changement de sexe de l'animal. Les poissons sont souvent très sensibles aux contaminants de ce type : dans certains estuaires de Grande-Bretagne ou en aval de stations d’épuration d'eaux résiduaires, on peut rencontrer des populations de poissons hermaphrodites. Chez des flets mâles vivant en milieu contaminé par des polluants hormono-mimétiques, des ovocytes apparaissent au milieu des spermatozoïdes.
Depuis plusieurs années, les chercheurs suspectent de nombreux composés chimiques d'être des perturbateurs endocriniens pour l'espèce humaine. Des méta-analyses publiées dans les années 1990 ont montré le déclin régulier de la qualité du sperme chez l’homme depuis 50 ans, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. L’incidence du cancer du testicule augmente depuis plusieurs décennies dans un certain nombre de pays européens. Il y aurait une corrélation entre la présence de perturbateurs endocriniens et les malformations de l'appareil reproducteur, par exemple entre la présence de pesticides et la cryptorchidie ou entre des composés de type bisphénol A ou dioxines et l’hypospadias. Chez la femme, on constate des anomalies de la fonction ovarienne, de la fertilité, de la fécondation, de la gestation et de l’implantation utérine ainsi qu'un déplacement de l’âge de la puberté.
Les doses auxquelles les effets se manifestent peuvent être faibles : une ingestion par le rat de 20 microgrammes de bisphénol-A, un composé dont les éthers servent à protéger l'intérieur des boîtes de conserve, est suivie d'effets œstrogéniques.
Les modulateurs endocriniens peuvent agir in utero : à Seveso, il est apparu une prépondérance des naissances de filles parmi la population contaminées par la dioxine. Il a été montré que le DES était responsable de cancers de l'appareil génital et d'atteinte de la fertilité chez les hommes et les femmes exposés in utero. Le bisphénol-A et le diéthylstilbestrol (DES) provoquent une hypertrophie de la prostate des souris exposées in utero.
La synergie résultant des interactions entre xénobiotiques, micro-nutriments et médicaments peut aggraver les effets : l'exposition simultanée de la femelle immature à des faibles doses de flavonoïdes et d’œstradiol se traduit par un fort effet œstrogénique.
Comme pour tout produit chimique, l'effet dépend de la dose ; ainsi, si l'activité œstrogènique du nonylphénol est un fait, le potentiel d'action est très faible en comparaison avec les œstrogènes naturels : une étude de l'évaluation de risques sur les mammifères, préparée par la Commission européenne, a clairement indiqué que les effets dommageables résultant de la perturbation du système hormonal n'interviennent que pour des expositions nettement plus élevées que la toxicité générale.
[modifier] Études récentes
Dans la réserve indienne d'Aamjiwnaang, au cœur de la chemical valley du Canada, on soupçonne des produits tels le mercure, les dioxines, l'HCB ou les PCB d'être à l'origine de la modification du sex ratio constaté : une étude conduite par Constanze MacKenzie, de l'université d'Ottawa, a montré que le ratio à la naissance est passé de un garçon pour une fille en 1984 à un garçon pour deux filles en 1999. En outre, le taux de fausses couches est de 39 % contre 25 % habituellement et 23 % des enfants de moins de 16 ans souffrent soufrent d'ADHD (hyperactivité avec déficit d'attention), au lieu de 4 % habituellement.
En 2000, 24 ans après l'accident d'une usine d'herbicides à Seveso (Italie), une étude a montré que les hommes exposés au nuage de dioxines sont eu deux fois plus de filles que de garçons.
En 2002, à Ufa (Russie), des chercheurs ont montré que les travailleurs d'une usine d'herbicides, contaminés par les dioxines, ont eu des filles dans les deux tiers des cas.
[modifier] État de la recherche
Thème de recherche situé à la confluence de la biologie, de la chimie et de la médecine, l'étude des modulateurs endocriniens demeure en plein essor.
Des expérimentations sont en cours pour juger de l'effet des perturbateurs endocriniens sur l'homme — tels la diminution de la spermatogenèse ou l'augmentation de malformations génitales — et de l'incidence de l'épigénétisme sur la sensibilité de certaines populations. Dans les années 2000, la recherche a été élargie aux effets sur le système endocrinien et, notamment, la production d'enzymes responsables de la différenciation sexuelle.
L'expérimentation animale est employée afin de mettre au point des tests de toxicité dose-réponse permettant de différencier l'effet perturbateur de l'effet hormono-mimétique chez l'homme. Par exemple, des souris sauvages, aux réactions normales, et des souris transgéniques ArKo (Aromatase knock out) — qui présentent une déficience en œstrogènes — sont utilisées pour mesurer les effets de molécules à activité œstrogénique (féminisante) — tel le méthoxychlore, un insecticide organo-chloré — ou anti-androgénique (anti-masculinisante) — telle la vinclozoline, un fongicide. Les molécules qui présentent un effet œstrogénique in vitro (test de E-screen) font l’objet d’études in vivo sur des rats femelles immatures ou ayant subi une ovariectomie.
L'identification de marqueurs spécifiques permet de prouver que des molécules hormono-mimétiques sont capables d'induire des effets œstrogéniques chez les mâles : la vitellogénine, protéine synthétisée par le foie de la femelle mature durant la vitellogenèse — processus précurseur de la formation de l'œuf, qui ne s'observe normalement ni chez le mâle, ni chez l'individu immature — peut être mise en évidence chez le mâle exposé à des œstrogéno-mimétiques.
Parallèlement aux études in situ, les mésocosmes et les microcosmes constituent des modèles pertinents pour étudier l'effet de ces molécules dans l'environnement, notamment dans l'hydrosphère. Réalistes d'un point de vue écologique et contrôlables, les mésocosmes permettent d'évaluer les effets à long terme sur la biocénose et le devenir des substances chimiques dans le biotope. En 2004, l'OCDE a organisé une campagne internationale d'intercomparaison des méthodes d'analyse de la vitellogenèse chez le poisson-zèbre (Brachydanio rerio).
[modifier] Moyens de lutte
La prévention des risques requiert une bonne connaissance des propriétés toxicologiques des molécules et la restriction ou l'interdiction de leur utilisation. L'usage du DDT a été mondialement interdit en 1973. La commercialisation, la fabrication, l’importation et l’exportation des jouets et articles de puériculture contenant des phtalates ont été interdits en France en 1999. Le nonylphénol a été interdit en Allemagne en 2003.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
- (en) Evaluation mondiale des connaissances scientifiques sur les perturbateurs endocriniens publié en 2002 par le Programme International sur la Sécurité Chimique de l'OMS
- (fr) Consensus scientifique sur les perturbateurs endocriniens - un résumé pour non-spécialistes du rapport de l'OMS par GreenFacts