Histoire du Tibet
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L'Histoire du Tibet, ancien royaume des confins et des cimes enneigées (himals, en népalais), charnière inaccessible et stratégique entre le monde chinois et le monde indien, est une histoire mouvementée, interrompue par de longues périodes d'isolement.
Sommaire |
[modifier] Préambule
L'Histoire du Tibet passé et actuel est intimement liée à celle de la Chine. Cependant l'interprétation de l'histoire varie radicalement selon l'opinion des historiens. Par exemple, les deux hauts fonctionnaires Han en poste à Lhassa par le passé sont appelés ambassadeurs par un spécialiste indépendantiste ou ministres par un spécialiste pro-unification. Il serait vain pour Wikipedia de vouloir trancher. Par ailleurs, les violentes répressions contre les Tibétains ne sont pas l'œuvre du peuple Han, mais d'abord de la dictature du Parti communiste chinois. Enfin, l'Occident a tendance à idéaliser le vieux Tibet, à oublier cette théocratie féodale devant une culture mystique.
[modifier] Les origines mythiques
Le premier roi tibétain Gnya'-khri-btsan-po est censé être descendu du ciel, ou avoir immigré au Tibet depuis l'Inde. En raison de ses particularités physiques étranges, comme ses mains palmées, et ses paupières se fermant par en bas, il aurait été accueilli par les indigènes comme un dieu. Le roi est censé être resté relié aux cieux par une corde et plutôt que de mourir serait monté aux cieux au moyen de celle-ci. D'après la tradition, le roi légendaire Dri-dgum-brtsan-po avait provoqué son palefrenier Lo-ngam à le combattre ; pendant le combat, la corde reliant le roi au ciel fut coupée, et il en mourut. Dri-dgum-brtsan-po et les rois suivants ont laissé des cadavres et ont été enterrés. (cf. Haarh, The Yarluṅ Dynasty. Copenhague: 1969). Dans un autre mythe, d'abord certifié dans le Maṇi Bka' 'bums, les Tibétains sont la progéniture de l'union d'un singe et d'une ogresse des roches, le singe étant une manifestation du bodhisattva Avalokiteśvara (en tibétain, Spyan-ras-gzigs) et l'ogresse celle de la déesse Târâ (en tibétain, 'Grol-ma).
[modifier] L'apparition du Tibet dans l'histoire
Le première mention écrite du Tibet se trouve dans la géographie de Ptolémée sous le nom de βαται, une transcription grecque de Bod, le nom indigène du Tibet, la suivante étant dans un texte chinois où il est nommé comme le Fa. Le premier fait fiable enregistré dans l'histoire tibétaine est l'ambassade de l'empereur Gnam-ri-slong-rtsan envoyée en Chine au VIIe siècle. (Beckwith, C. Uni. de l'Indiana Diss. 1977).
[modifier] L'Empire tibétain
Au VIIe siècle, une monarchie s'établit sur le territoire du Tibet actuel, marquant la naissance du Tibet comme entité politique unifiée.
Voir la Liste des empereurs du Tibet
[modifier] La fondation de la dynastie tibétaine
Le Tibet naît au château appelé Stag-rtse-rtse dans la zone de Phying-Ba de 'Phyongs-rgyas. Là, selon une vieille chronique tibétaine, un groupe de conspirateurs convainc Stag-bu snya-gzigs de se rebeller contre Dgu-gri Zing-po-rje. Celui-ci est lui-même un vassal de l'empire Zhang Zhung sous la dynastie de Lig. Stag-bu snya-gzigs meurt avant que la conspiration ne s'abatte sur lui et son fils Gnam-ri-slon-rtsan prend la tête du groupe après avoir arraché un serment de fidélité aux conspirateurs. (Beckwith 1987: 14). Le groupe est victorieux sur Zing-po-rje et, à ce moment-là, Gnam-ri-slon-rtsan était le chef d'un état en gestation qui deviendra l'empire tibétain. En 608 et 609, le gouvernement du Gnam-ri-slon-rtsan envoie une ambassade en Chine, marquant l'apparition du Tibet sur la scène internationale.
[modifier] Le règne de Srong-brtsan sgam-po (vers 620-650)
Lorsque Gnam-ri-slon-rtsan meurt par empoisonnement, son fils Srong-btsan sgam-po (vers 609-613 — 650) monte sur le trône après avoir probablement maté une brève rébellion alors qu'il a treize ans. Bien que la date de sa naissance et certaines autres de la première partie de son règne soient discutées, vers le milieu de son règne, elles deviennent plus sûres.
Srong-brtsan Sgam-po était versé aussi bien dans la diplomatie que dans l'art de la guerre. Le ministre Myang Mang-po-rje Zhang-shang défait le Sumpa vers 627 (Annales Tibétain Anciens, ATA l. 2). Six ans plus tard, vers 632-633, il est accusé de trahison et exécuté (ATA l. 4-5, Richardson 1965). Il est remplacé par le ministre Mgar-srong-rtsan.
Les chroniques chinoises rendent compte d'une ambassade en 634. À cette occasion, l'empereur demande une princesse Chinoise en mariage, ce qui lui est refusé. En 635-636, l'empereur attaque et défait le peuple A-zha (Ch. Tüyühün), qui vivait autour du lac Koko Nor au nord-est du Tibet, et qui contrôlait une route commerciale importante vers la Chine. Après une campagne victorieuse contre la Chine en 635-636 (ATAl. 607), l'empereur de Chine accepte le mariage de Srong-brtsan-Sgam-po avec une princesse chinoise. Vers 639, après un conflit entre Srong-brtsan Sgam-po et son frère cadet Brtsan srong, ce dernier est brûlé vif par le ministre Mkha’s-sregs (vraisemblablement sur ordre de son frère ainé, cf. Richardson 1965, ATA l. 8-10).
La princesse chinoise Wencheng (en tibétain, Mung-chang Kungco, en chinois 文成 Wencheng Gongzhu) quitte la Chine en 640 pour se marier avec Srong-brtsan-sgam-po, et la paix entre la Chine et le Tibet perdure pour le reste du règne de Srong-brtsan sgam-po. Sad-kar-ma, la sœur de Srong-brtsan sgam-po est envoyée pour se marier avec Lig-myi-rhya, le roi du Zhang-Zhung. Cependant, lorsque le roi refuse de consommer le mariage, elle aide son frère à défaire Lig-myi-rhya et à incorporer le Zhang-Zhung à l'Empire tibétain. Ainsi, à partir de 645, le Zhang-Zhung constitue le Tibet occidental. La région est supposée avoir eu sa propre écriture, mais il n'en a pas été trouvé d'échantillon à ce jour; elle était aussi un centre important pour la religion bon-po, une croyance traditionnelle fondée sur l'idée de la transmigration des âmes et qui a survécu jusqu'à nos jours, mais avec un nombre d'adeptes assez réduit.
Le roi Songtsen Gampo (en translittération Srong-btsan sgam-po) développe des relations commerciales avec son voisin le plus accessible, la Chine. L'administration s'installe à Lhassa. Une écriture se développe, inspirée par l'alphabet indien devanâgarî. En 670, les Tibétains conquièrent le bassin du Tarim.
[modifier] Le règne de Khri-mang-slon-rtsan (650-677)
Le ministre Mgar-srong-rtsan mourut en 667, après avoir incorporé 'A-zha dans le territoire tibétain. Entre 665-670 Kotan est vaincu par les Tibétains. L'empereur Khri-mang-slon-rtsan se maria avec Khri-ma-lod, une femme qui jouerait un rôle important dans l'histoire du Tibet. L'empereur mourut en hiver de 676-677, et Zhang-Zhung se révolta immédiatement. Dans la même année, le fils de l'empereur Khri-'dus-srong-rtsan naquit. (Beckwith 1987: 48).
De 700 jusqu'à sa mort, l'empereur resta à la campagne dans le nord-est, absent du Tibet central, que sa mère Khri-ma-lod administra en son nom (Petech 1988: 1081). En 702 la Chine et le Tibet conclurent la paix. Cette même année, les ministres purent procéder à l'organisation administrative (mkhos chen po) du Sum-ru (l. 88), le pays Sum-pa au nord-est, qui fut façonné en une 'corne' additionnelle du royaume. Pendant l'été 703, le roi resta chez 'Ol-byag dans Gling (l. 90) dans la région du cours supérieur du fleuve Bri-chu (Yangzi Jiang) ; c'est probablement de là qu'il partit pour son expédition à 'Jang l'hiver suivant. Après un déplacement rapide en été 704 au Yo-Ti Chu-bzangs dans le rMa-sgrom (II. 93-94) sur la grande courbe du rMa-chu (Huang-ho), en hiver suivant le roi retourna au sud pour sa campagne dans Mywa, où il trouva la mort." (Petech 1988: 1081-82).
En 763, les Tibétains envahirent et occupèrent la capitale chinoise des Tang, Chang'an.
Le bouddhisme, introduit au Tibet en 747, devient religion d'État à la fin du VIIIe siècle et concurrence le bon-po. Les monastères bouddhistes se développent et deviennent la base du régime féodal.
Au XIe siècle, l'enseignement du Vinaya pitaka, qui regroupe les règles monastiques, et du Sutta pitaka, qui regroupe les discours attribués au Bouddha, s'est détérioré. Le bouddhisme vajrayana est pratiqué d'une façon déformée. Le roi Langdarma a détruit le bouddhisme sur une grande échelle. Le roi Byang-Chub 'Od invite alors le maître religieux Atisha, qui vit au Bengale, à venir au Tibet. Atisha arrive en 1042, redonne vie aux enseignements du bouddhisme et les débarrasse des mauvaises interprétations. C'est au Tibet qu'Atisha rédigea le fameux texte bouddhique "la Lampe pour le cheminement vers l'illumination" (en sanscrit Bodhi Pradipa,en tibétain Byang chhub lam gi rdon mey).
Mais les dissensions au sein du clergé encouragent la pénétration des Mongols, qui, déjà maîtres d'une partie de la Chine, obtiennent la suzeraineté sur le Tibet (XIIe siècle-XVIIe siècle). La secte des Bonnets jaunes (lamaïstes réformés) accroît son influence. C'est en son sein qu'est choisi le Dalaï-lama, chef religieux et temporel du pays. La secte des Bonnets rouges — d'où est issu le karmapa — est chassée du pays en 1643. Le Dalaï-lama est désormais le représentant politique et religieux du Tibet.
Voir la liste des dalai-lama
[modifier] De la vassalité à la colonisation 1720-1908
En 1720, le Tibet devient un État vassal des empereurs de la dynastie mandchoue des Qing qui a réunifié la Chine après l'effondrement des Ming et se ferme aux influences étrangères. En 1904, une expédition militaire conduite par Lord Curzon atteint Lhassa; cette expédition vise à sécuriser l'Empire des Indes menacé par une éventuelle main-mise de la Russie sur le Tibet. Dans le mouvement de ce qui a été appelé le « dépeçage de la Chine », le Royaume-Uni s'attribue au Tibet des privilèges commerciaux et diplomatiques. Le traité, signé à Pékin le 27 avril 1906, permit à la Chine de réaffirmer sa suzeraineté sur le Tibet fermé aux étrangers par la volonté conjointe de la Chine et de la Grande-Bretagne. En 1908, les Britanniques retirent leurs troupes du Tibet mais continuent, en vertu des traités, d'y exercer un droit de regard.
[modifier] De la destitution à une autorité retrouvée 1908-1929
En 1910, le Dalaï-lama est destitué par les Chinois, juste avant la chute de l'empire en 1911. Il trouve d'abord refuge en Inde, avant de revenir à Lhassa en 1912; cependant lors de la proclamation de l'indépendance, il omet, par indifférence envers la politique étrangère, de se faire reconnaître par les grandes puissances d'alors. C'est cette omission que va exploiter la Chine en déclarant que le Tibet lui appartient toujours. Toutefois, il convient de préciser que les traités passés avec la Grande-Bretagne restreignaient la souveraineté du Tibet, celui-ci ne pouvant pas autoriser la venue d'étrangers sur son territoire sans l'accord de Londres; l'ouverture de relations diplomatiques avec des puissances présentant une menace potentielle pour l'Empire des Indes aurait donc été très difficile. En 1911, le Tibet profite de l'affaiblissement de la Chine, consécutif au renversement du pouvoir impérial, pour expulser les troupes chinoises de son territoire et, après son retour, le Dalaï-lama proclame unilatéralement l'indépendance de son pays en 1913.
En 1924, le Panchen-lama, qui avait conservé son pouvoir dans le Tibet oriental, est obligé de se réfugier à Nankin. En 1929, la Chine accepte de reconnaître l'autorité du Dalaï-lama, mais obtient certains avantages en échange.
[modifier] Controverses
[modifier] De 1949 au Tibet moderne, vu d'occident
Ce paragraphe présente la vision occidentale. Ceci permet de séparer ce qui est communément admis en occident, des thèses des ressortissants de la RPC.
En 1949, l'Armée Populaire de Libération occupa le Tibet, juste après la chute du gouvernement nationaliste. Le Tibet redevient une province de la Chine, officiellement gouvernée par le Dalaï-lama et le Panchen-lama. Le pouvoir central chinois s'occupe de la défense, des affaires étrangères, des finances et de l'éducation.
L'occupation du Tibet par les troupes communistes de la Chine sur ordre de Mao Tsé Toung avec un durcissement de la politique de la Chine à l'égard du Tibet en 1958, incita le peuple tibétain à se soulever à plusieurs reprises. Le soulèvement de mars 1959 fut férocement réprimé par les communistes chinois. 80 000 tibétains furent massacrés, les communistes s'acharnèrent particulièrement contre les moines bouddhistes.
Après la défaite de la révolte des Tibétains, le 17 mars 1959, le Dalaï-Lama dont la vie était menacée, se décida à s'enfuir vers l'Himalaya de l'Inde, à pied en compagnie de milliers de moines, où il arrive le 31 mars. Depuis, le 14e dalaï lama réside à Dharamsala. Réfugié en Inde où l'ont rejoint plus de 100 000 fidèles, il forme un gouvernement en exil dès 1959. Des résistants — les Khampas, originaires de la région du Kham — réfugiés dans les montagnes népalaises et soutenus par l'Inde et les États-Unis (dans une stratégie d'endiguement du communisme), mènent une lutte armée contre les Chinois. Au Tibet, le Panchen-lama dirige le gouvernement, avant d'être destitué en 1965.
Les Chinois engagent en 1961 la collectivisation de l'économie tibétaine. Mao fait construire des routes et des écoles mais la scolarisation est faite en langue chinoise, l'usage du tibétain n'étant toléré que dans le cadre de la famille. Des dizaines de milliers de femmes tibétaines sont contraintes par la force à épouser des colons chinois, des milliers d'autres ont été envoyées dans les bordels militaires de l'armée chinoise.
Le 9 mars 1961, le Dalaï Lama lance un appel aux Nations unies en faveur d'une restauration de l'indépendance du Tibet.
En 1966, la Révolution culturelle se traduit par un durcissement de la répression anti-bouddhiste et de nombreux vestiges du passé et de l'influence religieuse sur les tibétains sont détruits par les Gardes Rouges. On estime à un million de morts tibétains, (soit un sixième de la population) le bilan de la répression maoïste. D'autre part, depuis 1989, la Chine utilise le Tibet pour entreposer ses déchets nucléaires. En mars 1989, la loi martiale est décrétée par le secrétaire provincial du Parti communiste Hu Jintao.
[modifier] De 1949 au Tibet moderne, thèses chinoises
Ce paragraphe présente les thèses chinoises. Voici l'Histoire modérée, mais avec l'interprétation pro-unification, telle que la présenterait une majorité des ressortissants de la RPC.
Dans l'Histoire, le Tibet et l'empire chinois ont toujours eu des liens forts, par exemple la fonction de premier Grand Lama (futur Dalaï Lama) a été instauré par l'empereur de Chine mongole Kubilai Khan.
Avant 1959, le Tibet était une théocratie féodale, dirigée par les grands propriétaires terriens et les prêtres. La majorité de la population rurale avait un statut de serfs ou de paysans, avec une minorité d'esclaves. Une justice sommaire et partiale était rendue par le seigneur ou le Lama, comprenant torture et mutilations. L'occident préfère nier ce vieux Tibet, et croire à une société harmonieuse, tournée vers le boudhisme.
De 1840 à 1949, les guerres avec les pays colonisateurs et la guerre civile ont bouleversé la Chine entière. Les provinces contrôlées par l'étranger se faisaient la guerre, et le Tibet a cédé aux colons britanniques. Mao et le PCC ont libéré le pays des étrangers. Le Dalaï Lama actuel est le symbole de cette aristocratie qui a cédé face à l'envahisseur, une honte nationale.
A partir de 1966 et jusqu'à sa mort, Mao a lancé dans toute la Chine la Révolution culturelle. Dans toute la Chine, tout ce qui est culturel (édifices religieux, livres, ...) a été détruit, notamment des temples bouddhistes au Tibet.
Tout cela n'excuse en rien les exactions qu'ont pu commettre l'APL et le PCC. Si les paysans tibétains veulent le retour du Dalaï Lama, aucun ne souhaite le retour de l'ancien ordre des classes d'avant 1959.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- L'enjeu tibétain au XIXe siècle par Laurent Deshayes, Membre du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (Université de Nantes).
- (fr) «Mourir pour Lhassa, Un épisode méconnu de la guerre froide», par Philippe Hayez, Institut de Stratégie Comparée
- (fr) «La domination chinoise au Tibet», par Philippe Couanon (professeur agrégé d'histoire à l'IUFM Réunion)