Demain les chiens
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Demain les chiens, titre original City, est un roman de science-fiction écrit en 1944 par Clifford Donald Simak (États-Unis).
Sommaire |
[modifier] Présentation
L'ouvrage se présente formellement comme un recueil de 8 nouvelles préfacées, rassemblées dans un ensemble cohérent et romanesque. Littérairement, le roman est présenté comme une suite de contes canins classés chronologiquement et commentés par des exégètes - eux-mêmes chiens - qui émettent des hypothèses philologiques sur leur véracité. Il est donc important de lire les "Notes" qui précèdent chaque conte.
[modifier] Résumé général
Sur plusieurs milliers d'années, l'auteur brosse un tableau troublant et poétique de l'avenir de l'humanité. Les hommes perdent petit à petit leur instinct grégaire après une série de conflits guerriers et font un retour dans les campagnes. La civilisation urbaine disparaît, et les villes sont progressivement occupées par les chiens, qui acquièrent, grâce aux outils laissés par les humains, l'intelligence sociale et l'éducation menant à une vraie société canine.
[modifier] Contenu des contes
[modifier] La cité
Le premier conte du roman dépeint la fin de la "cité" comme élément fondamental de la société humaine à la fin des années 1980. Les êtres humains ont acquis la capacité de se déplacer très loin et très vite en hélicoptères privés, ce qui rend obsolète toute idée de se regrouper en communautés urbaines. Comme la terre a perdu sa fonction nourricière avec le développement des cultures hors-sol, chacun peut dès lors rêver posséder une maison isolée, éloignée de toute civilisation sur un lopin de terre. Les agglomérations urbaines encore debout sont habitées par des vieillards nostalgiques ou des squatters désargentés. Le héros de ce premier conte, John Webster, dont la famille portera l'avenir de l'humanité dans le roman, sera le premier à dire la vérité au Maire et à son Conseil municipal qui s'agrippent à leurs fonctions inutiles. Il terminera sa carrière au Service de Réadaptation qui essaie d'éduquer les gens à ce nouveau mode de vie. Le monde est déjà robotisé, mais sans androïdes.
[modifier] La tanière
Une centaine d'années plus tard, la famille Webster se retrouve dans la caveau familial pour évoquer le passé. Jérôme A. Webster est un médecin renommé, spécialiste en exo-biologie, dont l'ouvrage sur la physiologie martienne fait référence. Il est servi par des robots anthropomorphes dont le principal s'appelle Jenkins, une sorte de majordome high-tech. Jérôme A. Webster est sujet à des angoisses lorsqu'il s'agit de voyager dans l'espace. Les voyages interplanétaires induisent chez lui une sorte d'agoraphobie maladive. Un jour, son ami Juwain, le philosophe martien, tombe gravement malade et seule une opération délicate du cerveau pourrait le sauver, lui et sa nouvelle philosophie qui permettrait aux êtres d'enfin se comprendre. Tenaillé par son agoraphobie de l'espace, Jérôme Webster, le seul à pouvoir intervenir, refuse de partir pour Mars.
[modifier] Le recensement
Deux générations de Webster plus tard, après la suppression des Etats, la Terre est gouvernée par un Comité Mondial centralisé. Thomas Webster, petit-fils de Jérôme, fidèlement servi par Jenkins, est le chirurgien biologiste qui donne aux chiens un appareil phonatoire qui leur permet d'articuler des sons. Les descendants du premier chien parlant, Nathanaël, sont tous dotés du même appareil phonatoire : la race des chiens parlants était née. Le fils de Thomas, Bruce Webster, est parti dans les étoiles, cherchant à dépasser les limites de l'espace exploré par l'humanité. Un personnage étrange, présent depuis le premier conte mais toujours fantomatique et sans épaisseur narrative, prend plus de consistance dans ce conte : le mutant télépathe Joe. Joe comprend mieux que les Hommes tout ce qui se passe sur la Terre et va tenter de sortir les fourmis du cercle de leur éternel recommencement après l'hiver. Il va apporter les rudiments et les conditions de la civilisation aux fourmis.
[modifier] Les déserteurs
Quelques générations plus tard, le descendant des Webster est devenu président du Comité Mondial et dirige de facto la Terre. Mais sur Jupiter, nouvellement conquise, se déroulent des événements étranges. Pour s'adapter à une éventuelle vie sur Jupiter, les Hommes sont obligés de se transformer physiquement en créatures joviennes : les dromeurs. Malheureusement, les volontaires ne sont jamais revenus et on les croit morts. Finalement, le chef du projet se fait transfomer en Jovien et comprend pourquoi aucun des testeurs n'est jamais revenu : dans le corps d'un dromeur, l'Homme voit ses facultés mentales, télépathiques et sensorielles décuplées : il accède à la pleine maîtrise de ses facultés et pense accéder ainsi au bonheur.
[modifier] Le paradis
Quelques années plus tard, le chef du projet de Jupiter, Fowler, transformé en dromeur prend la courageuse décision d'annoncer la bonne nouvelle de l'Eden retrouvé à ses concitoyens terriens. Il se transforme à nouveau en humain et repart sur Terre comme le prophète d'un nouveau paradis planétaire. Mais le président du Comité Mondial, Webster, doute que ce soit une bonne nouvelle pour l'humanité, craignant une désertion en masse de la planète Terre ce qui reviendrait à la livrer aux chiens, aux robots et aux mutants. Webster imagine même de tuer Fowler pour éviter la catastrophe. Joe, le mutant, qui seul a compris la philologie de Juwain le martien, l'utilise pour expliquer aux terriens le bonheur qui les attend sur Jupiter.
[modifier] Les passe-temps
Le pire est arrivé, pour le meilleur de l'humanité. Les Hommes ont quitté la Terre pour vivre sur Jupiter. Quelques-uns sont restés, oubliés ou volontaires, dont le Président Webster. Dans la ville de Genève désertée, les derniers représentants du genre humain sont emprisonnés dans une oisiveté délétère qui creuse le sens profond de leur vie. Aux alentours de la cité, les chiens se multiplient, apprennent, apprivoisent les autres animaux sauvages, les robots assistent les chiens et les mutants vivent en communautés cachées. Les derniers humains décident de se mettre en hibernation prolongée et le dernier Webster décide de laisser les chiens à leur destinée, espérant qu'ils règneront sur Terre de manière moins violente que les Hommes. Il décide alors d'actionner le système de défense de la dernière cité pour se couper du monde devenu canin. Seul Jenkins, le majordome électronique de la famille, reste avec les chiens pour leur transmettre les message des anciens maîtres de la Terre. Les chiens dirigent le monde, surveillent les robots sauvages et les mutants.
[modifier] Esope
En actionnant le système de défense de la dernière cité humaine, le dernier Webster a oublié que son fils jouait avec ses amis en dehors des limites de la cité au moment de la levée des boucliers. Ainsi, il reste quelques humains pour influer sur le cours de la culture canine. Jenkins hésite, mais lorsqu'il voit que les jeunes humains tuent des animaux sauvages, il décide de les envoyer avec lui dans une autre dimension spatio-temporelle découverte par les mutants afin de laisser les chiens développer leur propre culture, loin de la violence et du meurtre caractéristiques des humains.
[modifier] Un moyen bien simple
Epilogue de ce roman, le dernier conte est dénué de toute présence humaine. Ce sont en revanche les fourmis qui représentent le nouveau danger. Depuis que le mutant Joe leur a légué les rudiments de la culture, elles se sont mises à construire un énorme bloc, le "Building" qui semble ne jamais devoir s'arrêter de grandir. Certains robots, infectés par des fourmis électroniques, prêtent leur force mécanique aux fourmis pour accomplir leur grand œuvre. Inquiet, Jenkins va réveiller le dernier Webster de son sommeil cryogénique pour lui demander quelle solution aurait envisagée un Homme. Lorsque Jenkins entend la réponse de Webster, il s'en retourne et annonce aux chiens qu'il n'y a pas de solution.
[modifier] Les notes philologiques
Le roman est présenté par Clifford D. Simak comme une édition critique de contes canins transmis de génération en génération. L'éditeur anonyme confronte les interprétations de divers philologues chiens. Ces contes que se racontent les chiens pendant leurs veillées constituent une sorte de mythologie fondatrice de la culture canine et les chiens hésitent sur le sens et le crédit à leur donner. Ainsi, l'intérêt du roman se situe autant dans ses contes que dans ces peusdo-commentaires, les derniers mettant en perspective les premiers pour le lecteur "humain". Trois philologues sont en concurrence :
- Rover, qui comprend les contes de manière mythologique, leur déniant toute réalité historique autre que littéraire et symbolique
- Tige, qui défend une approche purement historique de ces textes, leur conférant une réalité tangible dans un passé lointain
- Bounce, le fondamentaliste, qui refuse toute autre intervention intelligente que celle des chiens, malgré les apories auxquelles cette posture l'expose
Ces approches philologiques concurrentes sont bien sûr à rapprocher de la philologie humaine qui est confrontée aux mêmes contradictions lorsqu'il s'agit de débattre de l'historicité ou non de tel ou tel grand récit ancien, tel l'Iliade ou l'Odyssée. Certains n'y voient que des histoires fantastiques, d'autres des allégories mythologiques, tandis que les derniers tentent d'en chercher les points d'ancrage dans la réalité. C'est ainsi que l'archéologue Heinrich Schliemann partira ainsi à la recherche de l'hypothétique cité de Troie, convaincu de son existence historique.
Il manque encore aux chiens une discipline telle que l'archéologie canine pour confronter les thèses de Tige à la réalité des vestiges de la civilisation humaine. Mais l'astuce littéraire de Clifford D. Simak réside surtout dans le fait que le lecteur est bel et bien cet Homme dont l'existence est fortement mise en doute par les chiens : l'Homme se retrouve dans la situation ironique de lire un livre qui met en cause sa propre existence historique !!
On peut même étendre le sujet à nos religions et livres associés qui se fondent en partie sur des faits historiques où en tout cas perçus comme tels.
[modifier] L'Homme et après ?
Le traumatisme de la guerre et de sa bombe atomique, typique des années 1950, resurgit dans l'idée que l'homme est condamné à commettre de nouveau ses erreurs passées, d'où la nécessité de son complet effacement nécessaire à un nouveau départ sur la planète. Clifford D. Simak choisit simplement à l'Homme deux belles portes de sortie.
L'une des nombreuses originalités du roman de Simak, c'est bel et bien une certaine vision doublement optimiste de la disparition de l'Homme et de ses motivations : la quête du bonheur dans un ailleurs prometteur ou le sacrifice mûrement réfléchi. D'une part, la majeure partie de l'humanité quitte la Terre pour trouver sur Jupiter le bonheur d'une existence épanouie : nous sommes dans ce cas bien loin des visions post-apocalyptiques des romans qui décrivent la disparition de l'Homme causée par lui-même. D'autre part, le peu d'hommes qui restent, et en l'occurrence leur président symbolique, Webster, se plongent dans une léthargie héroïque prolongée pour sauver les chiens des errements que ne pourrait s'empêcher de causer la présence humaine à leurs côtés : c'est un inhabituel sursaut d'intelligence morale nourrie des erreurs du passé qui est en jeu ici.
Le thème de cette culture animale succédant à l'Homme suite à sa disparition se laisse sans difficultés rapprocher du roman de Pierre Boulle, "La planète des singes".
[modifier] Autres thèmes abordés
Les thèmes abordés dans ce roman sont nombreux et jouent des rôles divers dans l'économie de la narration. Nous pouvons citer les grands thèmes suivants :
- la dislocation du politique avec la fin de la cité comme entité d'organisation sociale
- la redistribution des terres et l'éclatement social
- la conquête de l'espace et la découverte de nouvelles formes de vie extra-terrestre
- la fin de la criminalité généralisée
- la vitesse des déplacements individuels
- la mutation génétique des humains en mutants télépathes
- les progrès de la médecine : greffes humaines sur les chiens
- la transmission du flambeau de la culture aux animaux (chiens et fourmis)
- la généralisation de la robotisation pour les tâches pénibles et répétitives
- la découverte de dimensions spatio-temporelles parallèles
Clifford D. Simak fait peut-être une petite allusion biblique lorsque le dernier fils Webster, armé de son arc et de ses flèches, commettra l'irréparable sur les conseils d'un loup ambigu qui joue avec délectation le rôle du serpent de l'ancien Testament. À peine livré à lui-même, l'Homme commet déjà l'irréparable.
Par ailleurs, on notera également le glissement de sens du mot « Webster » qui, d'un nom de famille, devient la dénomination commune des hommes dans la culture des chiens et sur un autre resgistre le petit clin d'œil à Guy de Maupassant avec l'allusion aux « horlas » qui sont, dans le roman de Simak, les habitants fantomatiques des dimensions parallèles.
[modifier] Commentaire
Certains éléments sont un peu surannés, voir improbables, dans ce roman, comme la tentative de colonisation de Jupiter, ou l'acquisition de la parole par les chiens.
Demain les chiens est un objet littéraire poétique, d'une naïveté intrinsèque, qui est un exemple d'écriture de l'âge d'or de la science-fiction étatsunienne.
On y retrouve également les obsessions bucoliques de l'auteur
[modifier] Bibliographie
- Clifford D. Simak, Demain les chiens, Éditions J'ai Lu, n° 373, 1953, traduction de Jean Rosenthal, coll. Science-Fiction. ISBN 2277123730
[modifier] Citations
- "La cité est un anachronisme.", p. 28.
- "Un chien a une personnalité. On la sent dans chaque chien que l'on rencontre. Il n'y en a pas deux qui soient semblables d'humeur et de tempérament. Et tous sont intelligents à des degrés divers. Il n'en faut pas davantage : une personnalité consciente et une certaine dose d'intelligence.", p. 96
- "La préservation de la race, le progrès de la race, mais vous n'avez que ces mots-là à la bouche. Pourquoi vous en soucieriez-vous ?", p. 121
- "Le besoin de chaque être humain est de se sentir approuvé par ses semblables.", p. 122
- "Peut-être les cerveaux des créatures terrestres sont-ils naturellement lents et brouillons. Peut-être sommes-nous les demeurés de l'univers.", p. 145
- "Il y avait pour l'homme une route et une seule : celle de l'arc et de la flèche.", p. 262
- "Vous ne devez pas traîner le souvenir de l'Homme comme un boulet."p. 290
[modifier] Lien externe
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