Tulku
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Dans le bouddhisme tibétain, on appelle tulku ou toulkou une personnalité religieuse (lama en général) qui, par compassion de bodhisattva, a pris la décision de renaître continuellement pour continuer de guider ceux qui s’engagent dans la voie du bouddhisme. Cette tradition a débuté au XIIe siècle dans la branche karmakagyu de la lignée kagyupa avec le patriarche (Karmapa) Düsum Khyenpa (1110-1193). Les Dalai Lama sont des tulkus de la lignée gelugpa.
Le terme tulku, encore transcrit tülku ou trulku, est la traduction en tibétain du sanscrit nirmanakaya et s'écrit སྥྲུལ་སྐུ་. Le terme mongol est khutughtu ou hutagt ; il est en général traduit en chinois par huófó (活佛) « bouddha vivant » ou hùashēn (化身) « réincarnation »; língtóng (靈童) « enfant mystique » est employé pour les jeunes tulkus.
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[modifier] Développement de l’institution
Née au XIIe siècle, l’institution du tulku s’est étendue durant les deux siècles suivants aux différentes lignées du bouddhisme tibétain. Sur le plan théologique, le phénomène serait la conséquence de la décision d’un chef spirituel de faire profiter le monde de sa compassion au-delà de la durée d’une vie. Sur le plan pratique, elle permet aux monastères de conserver ou d’accumuler les biens matériels (labrang) dont les tulkus successifs viennent reprendre possession en tant que réincarnation du même patriarche.
Karma Pakshi (1024-1283) de la lignée kagyupa fut le premier reconnu comme réincarnation de Düsum Khyenpa (la quatrième). L’actuel Karmapa (ou plutôt les deux, car il existe une controverse quant à l’identification du dernier Karmapa) est la dix-septième réincarnation de Düsum Khyenpa.
Dans la lignée gelugpa, le partiarche réincarné est Gedun Drub (1391–1474). Sa troisième réincarnation, Sonam Gyatso, fut le premier à prendre le titre de Dalai Lama, dont il gratifia a posteriori ses deux prédécesseurs. L’actuel Dalai Lama est la quatorzième réincarnation de Gedun Drub.
Au XVIIe siècle, Lobsang Gyatso (1617–1682), cinquième Dalai Lama, établit sa prééminence et celle de ses successeurs sur l’ensemble du clergé tibétain, leur conférant en pratique, comme aux puissances séculières contrôlant le Tibet, un pouvoir d’intervention sur les tulkus des autres lignées. Ainsi en 1792, le Shamarpa, second du Karmapa, alors dans sa dixième existence, fut interdit de réincarnation par le Dalai Lama et le gouvernement chinois. Des tulkus auraient néanmoins été identifiés en secret, et le quatorzième Sharmapa, Kunzig Shamar Rinpoche (né en 1952), a été officiellement reconnu par le seizième Karmapa et le gouvernement tibétain en exil.
[modifier] Caractéristiques des tulkus
Les estimations concernant le nombre de tulkus varient entre un demi-millier (Françoise Pommaret) et un millier (Pamela Logan). Ils sont principalement répartis au Tibet, au Bhoutan, dans le Nord de l’Inde, au Népal, en Mongolie, ainsi que dans le sud-ouest de la Chine ; on trouve parmi eux quelques rares femmes. Ils sont de véritables « célébrités » et possédaient avant 1949, eux ou leurs régents, un important pouvoir politique qu’ils ont gardé dans le gouvernement du Tibet en exil.
Le tulku laisse en principe au moment de sa mort des indications orales ou écrites concernant les circonstances de sa prochaine renaissance. On peut également faire appel à l’astrologie, à des prophéties ou aux intuitions de lamas consacrés, notamment de disciples importants. Il s’écoule en général au moins deux ou trois ans avant que le tulku ne soit identifié, car il doit réussir une épreuve au cours de laquelle il reconnait des personnes ou des objets de sa vie précédente et répond de façon satisfaisante à certaines questions. Les tulkus de certaines lignées se reconnaissent mutuellement, comme le Panchen Lama et le Dalai Lama.
Le jeune tulku reste avec ses parents durant les cinq ou six premières années de sa vie. S'il s'agit d'un grand maître, il reçoit une intronisation et se trouve investi formellement du pouvoir lié à la fonction, que des régents exercent à sa place en attendant que son éducation soit achevée. Il la reçoit en principe dans un monastère qu’il ne doit pas quitter avant l’âge de 13 ans. L’idéal est qu’il la poursuive pour devenir un « maître accompli ». Néanmoins, en raison de diverses circonstances, un tulku ne reçoit pas toujours une éducation traditionnelle dans sa jeunesse. Certains ne sont reconnus qu’à l’âge adulte. Pour d’autres, leurs parents ont fait le choix pour des raisons géographiques, politiques ou financières, de leur faire faire l’essentiel de leurs études hors des monastères, dans des écoles publiques ou chrétiennes, par exemple. En dehors du Tibet, les études bouddhistes traditionnelles peuvent en effet s’avérer très onéreuses et ne peuvent être payées que grâce à des dons. Ainsi, la formation complète à l’université bouddhique du monastère de Sera en Inde du sud près de Mysore, fondée par des exilés tibétains, s’élève à près de 38 000 euros. D'autre part, la vie au monastère de la réincarnation d’un grand maître, très studieuse, entouré d'adultes et privé de réels compagnons de jeux, peut s’avérer difficile. Ainsi, le tulku espagnol Tenzin Ösel est connu pour s’être rebellé à huit ans et avoir quitté le monastère, pour ny revenir que quelques années plus tard.
Bien que dans l’idéal le tulku achève ses études, prononce ses vœux et devienne un moine parfait, cela n’est pas une obligation. Un mode de vie inattendu ne lui retire en aucun cas sa qualité et peut même être vu comme un moyen subtil de répandre la doctrine ou l’expression des « voies mystérieuses du dharma ». Les limites sont parfois repoussées à l’extrême chez certains tulkus transplantés comme dans le cas américain de Chögyam Trungpa Rinpoche (1939-1987), versé en bouddhisme mais également Don Juan alcoolique.
Il arrive que des tulkus ne soient reconnus qu'à l’âge adulte, ou qu’ils se manifestent plusieurs centaines d’années après leur dernière existence terrestre. Ce dernier phénomène peut être expliqué par le fait qu'ils ont été actifs dans un de ces autres mondes dont le bouddhisme reconnait l'existence. Il peut également arriver qu'une même personne soit un « double tulku » dans lequel on peut potentiellement reconnaître deux patriarches, ou que plusieurs tulkus du même maître soient présents sur terre en même temps, représentant trois émanations différentes de la même personne : son corps, sa parole et son esprit. Ainsi, Dawa Norbu Rinpoche (né en 1950) de la lignée nyingmapa, reconnu tout d’abord comme tulku de Taksham, fut ensuite identifié par le Karmapa comme tulku de Pema Yeshe. Il assuma dès lors cette dernière fonction et l'on partit à la recherche d'un autre tulku de Taksham.
Les tulkus étaient traditionnellement tibétains ou parfois mongols. Récemment, on en a découvert dans d’autres régions du monde, comme l’Espagnol Tenzin Ösel (né en 1985), reincarnation de Thubten Yeshe, ou l’Américain Steven Seagal, reconnu à l’âge adulte par Penor Rinpoche de la lignée nyingmapa. Il serait la réincarnation de Chungdrag Dorje (XIIe siècle), tertön du monastère de Palyul, originaire de Derge (Tibet oriental).
[modifier] Lignées principales
Dalai Lama, Karmapa, Zurmang gharwang, Panchen Lama, Shabdrung, Shamarpa, Tai Situpa, Trungpa
[modifier] Voir aussi
- Réincarnation
- (en)Les tulkus tibétains hier et aujourd’hui.
- Anne Hubbell Maiden, Eddie Farwell L'art d'être parents selon le bouddhisme tibétain. De la préconception à la petite enfance Guy Trédaniel, Paris, 1998 (contient des passages sur l'éducation des tulkus)
