Responsabilité administrative
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En droit français, la responsabilité administrative est l'obligation pour l'administration de réparer les préjudices causés par son activité ou celle de ses agents.
La responsabilité de l'administration peut être engagée pour toutes les activités de l'administration mais obéit à un régime différent de celui du droit civil.
Pour la responsabilité contractuelle, voir l'article contrat administratif.
[modifier] De l'irresponsabilité publique à la responsabilité administrative généralisée
Jusqu'à la fin du XIXe siècle le principe de l'irresponsabilité de la puissance publique interdisait tout droit à réparation. La seule possibilité était le recours gracieux c'est-à-dire l'appel à la bonne volonté des dirigeants. À la fin du XIXe, début du XXe siècle plusieurs revirements de jurisprudence mettent fin à cet état du droit. Le 1er février 1873, le tribunal des conflits par l'arrêt Blanco reconnaît la responsabilité des personnes publiques (Agnès Blanco renversée par un wagonnet). Le 27 février 1903, le Conseil d'État par l'arrêt épouse Zimmermann reconnaît un préjudice lié aux décisions de police. Le 12 mai 1903, le Conseil d'État par l'arrêt Le Berre accorde réparation à un fonctionnaire abusivement licencié.
L'obligation de réparer ainsi entérinée ne s'exécute pas selon les règles du droit civil, elle a ses règles spéciales qui aujourd'hui sont de plus en plus sous l'influence du droit européen, ce qui, indirectement réintroduit les principes civilistes du droit anglo-saxon.
[modifier] Les conditions générales du droit à réparation
[modifier] L'existence d'un préjudice
La responsabilité administrative est réparatrice et non sanctionnatrice. Par exemple, l'arrêt du 27 décembre 2001 prononcé par le TA de Besançon. Des fonctionnaires français ayant cotisé en Afrique ont vu leur retraite diminuer suite à une dévaluation du franc CFA, dans certains corps des compensations ont été prévues, dans d'autres non. Le tribunal, constatant le préjudice, a accordé une indemnisation. Il ne s'agit donc pas de sanctionner une faute, mais bien de réparer un préjudice. La Cour européenne des Droits de l'Homme partage la même approche (arrêt éditions Periscope/France de la CEDH le 26 mars 1992).
Pour ouvrir droit à réparation le préjudice doit être certain mais pas nécessairement actuel, le dommage futur lorsqu'on sait qu'il surviendra est également indemnisé. Cependant, le préjudice éventuel, comme l'aide qu'aurait pu apporter à ses parents un enfant mortellement blessé dans un accident, n'est pas certain.
La perte d'une chance sérieuse, examen médical oublié, convocation non-arrivée…, ouvre droit à réparation.
Les préjudices matériels sont les plus faciles à caractériser : dommages causés aux biens mobiliers ou immobiliers, atteintes physiques aux personnes.
Les préjudices moraux sont plus complexes :
- d'ordre psychologique ou moral, atteinte à la réputation ou à l'honneur, atteintes à la dignité humaine (harcèlement).
- souffrance physique ou pretium doloris suite à accident physique ou intervention chirurgicale.
- préjudice esthétique c'est-à-dire gêne ou regrets éprouvés par une personne à la vue ou à la pensée des atteintes portées à son harmonie corporelle.
- douleur morale ou pretium affectionis c'est-à-dire le préjudice d'affection lié, par exemple à la perte d'un être cher.
- troubles dans les conditions d'existence, c'est-à-dire tous les désagréments qui n'entrent pas dans les catégories précédentes, par exemple les difficultés scolaires d'un enfant après un accident.
- les atteintes de toute nature résultant d'une séroconversion HIV (idem pour les conséquences d'une exposition a l'amiante, l'ESB etc.).
En second lieu peuvent être réparés non seulement les préjudices subis par les victimes immédiates du fait dommageable, mais aussi ceux atteignant par ricochet les victimes indirectes tels que les époux ou épouses de la personne accidentée.
Il existe encore quelques cas d'irresponsabilité :
- les servitudes d'urbanisme
- naissance d'un enfant après IVG ou opération de stérilisation
- naissance d'un enfant handicapé après échec d'une amniocentèse (CE 14 mars 1997 CHR Nice).
[modifier] La relation de causalité
Le droit à réparation n'est ouvert que s'il existe un lien direct de cause à effet entre le dommage et le fait dommageable.
Par exemple, le préfet autorise une détention d'arme et le possesseur de l'arme tue une personne. Si l'autorisation de détention d'arme intervient très peu de temps avant le crime l'État peut être condamné (l'auteur le sera lui, bien évidemment au pénal).
Il revient à la victime de démontrer le lien direct de cause à effet. L'Administration est exonérée totalement de sa responsabilité lorsque le dommage est causé en tout ou partie par une cause étrangère :
- faute de la victime qui était, par exemple alcoolisée au moment de l'accident
- force majeure c'est-à-dire évènement extérieur imprévisible et irrésistible.
[modifier] L'imputabilité du fait dommageable
La personne morale ou physique dont dépend le service ou l'ouvrage à l'origine des dommages se voit imputée la responsabilité.
Lorsqu'un service public est organisé conjointement par plusieurs personnes la réparation peut être demandée à l'une ou à l'autre des personnes sous réserve de l'action récursoire (en droit, qui permet au défendeur de faire un recours contre quelqu'un) de celle-ci.
[modifier] Les modalités de la réparation
[modifier] Les principes de l'évaluation
La réparation se fait généralement en euros, la réparation en nature est quelque fois prononcée à titre facultatif (si mieux n'aime…).
Une personne ne doit jamais être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas.
La réparation du préjudice est intégrale, la victime ne doit être ni appauvrie ni enrichie ce qui est difficile à apprécier pour les préjudices immatériels.
[modifier] Les éléments de l'indemnisation
Outre l'indemnité principale sont allouées des indemnités accessoires :
- indemnité compensant équitablement les frais contentieux exposés par la victime, notamment les honoraires d'avocat (L 761-1 du code de la justice administrative, art 6-1{er} de la CEDH)
- intérêts moratoires sur l'indemnité principale calculés sur le délai d'instruction, ses intérêts peuvent être capitalisés (intérêts sur les intérêts) selon les articles 1153 et 1154 du code civil
- intérêts compensatoires si la victime justifie d'un retard anormal à obtenir le versement de l'indemnité principale (CE 02 mars 1962 Caucheteux et Desmonts).
Le capital réparant un préjudice n'est pas imposable.
[modifier] La distinction des responsabilités selon le fait générateur
[modifier] La responsabilité pour faute
[modifier] La notion de faute
Une faute est une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement normal du service public. Elle peut consister en un fait matériel ou en un acte juridique. Elle peut être collective ou imputable à une personne physique individualisée. L'abstention, la négligence, une omission, un retard, peuvent constituer une faute. Une illégalité est généralement fautive, mais un vice de forme minime n'entraîne pas forcément la condamnation de l'administration. La faute doit toujours être prouvée mais des présomptions de faute peuvent être instituées :
- défaut d'entretien normal d'un ouvrage qui conduit à n'exonérer l'administration que si elle démontre qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage (CE 24 janvier 1990 université de Lille I)
- défaut d'organisation du service public hospitalier, exemple, maladie grave contractée suite à un soin courant
- défaut de surveillance systématique, exemple un enfant se noie dans une piscine municipale.
[modifier] La gravité de la faute
Une faute simple permet d'engager la responsabilité de l'administration, par exemple un permis de construire délivré à tort.
[modifier] Responsabilité de l'administration et responsabilité de ses agents
Lorsque le dommage est causé par la faute d'un agent public, qui doit réparer, l'administration ou l'agent ?
[modifier] Distinction faute de service et faute personnelle
La faute de service engage la responsabilité de l'Administration. La faute personnelle engage la responsabilité de son auteur.
Laferrière en donne une définition : « si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur, il y a faute de service, s'il révèle l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, il y a faute personnelle imputable au fonctionnaire. »
La faute personnelle est la faute détachable du service ou de la fonction. Un fonctionnaire qui commet des actes de violence, abus sexuels, diffamation ou qui se rend coupable de non assistance a personne en danger est personnellement responsable.
[modifier] La combinaison des fautes de service et personnelle
Il peut y avoir cumul de fautes à l'origine du préjudice, certaines de service, d'autres détachables. Par exemple, faute de service consistant en la fermeture d'un bureau de poste avant l'heure officielle et faute personnelle des agents qui ont brutalisé un usager au point de lui casser la jambe pour le faire sortir (CE 3 février 1911 Anguet).
Si la faute commise s'analyse à la fois comme une faute de service et comme une faute personnelle, il y a cumul des responsabilités. Par exemple, la faute d'un maire qui avait autorisé l'installation d'un stand de tir sans prendre aucune mesure de sécurité de sorte qu'une personne avait été blessé par une balle (CE 26 juillet 1918 époux Lemommier).
Lorsqu'il y a faute non dépourvue de lien avec le service, la victime peut réclamer réparation à l'administration ou à l'agent, l'administration ou les agents condamnés peuvent ensuite exercer une action récursoire.
Toutes les actions récursoires viennent devant le tribunal administratif, par exemple, la contestation d'un titre de recette ou d'une décision de l'administration.
[modifier] La responsabilité sans faute
Elle ne concerne jamais les fautes personnelles.
La responsabilité sans faute est engagée dans deux cas :
- la responsabilité pour risque
- la responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.
[modifier] La responsabilité pour risque
La responsabilité pour risque est engagée en cas de chose ou d'activité dangereuse entraînant un préjudice :
- dépôt d'explosif qui explose
- méthodes dangereuses comme les méthodes libérales de rééducation, les malades mentaux en sortie d'essai, les détenus en permission de sortie…
Elle est également engagée au profit des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public, par exemple, un accident lors d'une sortie scolaire accompagnée par des parents d'élève.
[modifier] La responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques
Cette responsabilité est mise en œuvre chaque fois qu'un particulier est victime d'un dommage spécial et anormal résultant de situations ou de mesures par l'effet desquelles certains membres de la collectivité sont « sacrifiés » à l'intérêt général.
La responsabilité pour dommage permanent de travaux publics recouvre les inconvénients de voisinage résultant de l'exécution de travaux publics, ou bien de l'existence ou du fonctionnement d'ouvrages publics. La raison d'être de cette jurisprudence est qu'il convient d'indemniser les quelques personnes qui subissent dans l'intérêt de tous un dommage spécial et anormal lié à ces ouvrages (par exemple la proximité d'une centrale nucléaire cache le paysage…).
La responsabilité du fait des décisions administratives régulières : les charges imposées par un acte individuel sont indemnisées si ce type d'acte provoque une rupture de l'égalité devant les charges publiques. Par exemple, le refus d'accorder le concours de la force publique pour l'expulsion d'occupants sans titre d'un logement, le refus est motivé légalement par la nécessité du maintien de l'ordre public.
La responsabilité de l'État du fait des lois ou des conventions interntationales : la responsabilité de l'État peut être reconnue en cas de rupture de l'égalité devant les charges publiques (CE 14 janvier 1938 société La Fleurette, interdiction de la gradine (ersatz de crème))
[modifier] Les régimes spéciaux de responsabilité
De nombreux régimes spéciaux de réparation ont été institués par le législateur :
- régime des dommages causés par les attroupements et les rassemblements de personnes (L 2216-3 CGCT, si une manifestation dégénère, l'État indemnise)
- régime des fautes des membres de l'enseignement, loi du 5 avril 1937, l'État indemnise
- préjudices résultants des vaccinations obligatoires (L 10-1 CSP)
- indemnisation des personnes atteintes de SIDA post-transfusionnel, loi du 31 décembre 1991
- indemnisation des dommages causés par les actes de terrorisme, loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme.
La loi « droit des malades » en cours prévoit l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, c'est-à-dire une responsabilité sans faute, notamment dans deux cas, les maladies nosocomiales (infections contractées en milieu hospitalier) et les maladies iatrogènes (liées à la prise de médicament).