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Makuria

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La Nubie Chrétienne à l'époque où elle comptait 3 états. Celui de Makuria absorbera par la suite celui de Nobatia. La frontière entre Alodia et Makuria n'est pas certaine
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La Nubie Chrétienne à l'époque où elle comptait 3 états. Celui de Makuria absorbera par la suite celui de Nobatia. La frontière entre Alodia et Makuria n'est pas certaine

Makuria (en arabe : مقرة) est un royaume situé dans ce qui serait aujourd'hui la région s'étendant du nord du Soudan au sud de l'Égypte. Il était l'un des trois royaumes nubiens qui ont émergé après la chute du royaume de Méroé, qui a dominé la région de -800 à l'an 350. Makuria longeait le long du Nil et s'étendait de la troisième cataracte à un endroit situé entre la cinquième et la sixième cataracte. Le royaume avait le contrôle des voies d'échanges, des mines, et des oasis de l'est à l'ouest de la région. Sa capitale était Dongola, et le royaume est parfois connu sous ce nom.

À la fin du VIe siècle, le royaume se convertit au christianisme mais au VIIe siècle, la conquête de l'Égypte par les armées musulmanes coupa la Nubie du reste de la chrétienté. En 651 la zone est envahie par une armée arabe, mais elle est repoussée et un traité connu sous le nom de baqt est signé et instaure une paix relative entre les deux parties, paix qui durera jusqu'au XIIIe siècle.


Le Royaume de Makuria s'étendit, annexant ses voisins de Nobatia à peu près à l'époque l'invasion arabe ou sous le règne de Merkurios. La période s'étendant de 750 à 1150 fut synonyme de stabilité et de prospérité et appelé en conséquence âge d'or[1]. Les agressions grandissantes de l'Égypte et des dissensions internes provoquèrent l'écroulement de l'État au XIVe siècle.

Sommaire

[modifier] Sources historiques

Page d'une traduction nubienne du Liber Institutionis Michaelis Archangelis du IXe–Xe siècle, découvert à Qasr Ibrim, conservé au British Museum.  Le nom de l'Archange Michel est en rouge.
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Page d'une traduction nubienne du Liber Institutionis Michaelis Archangelis du IXeXe siècle, découvert à Qasr Ibrim, conservé au British Museum. Le nom de l'Archange Michel est en rouge.

Makuria est de loin le mieux connu des royaumes de Nubie chrétienne, mais il reste néanmoins de nombreuses zones d'ombre dans son histoire. Les principales sources historiques de cette période sont les écrits de voyageurs arabes et d'historiens ayant traversé la région nubienne à cette époque. Ces témoignages sont cependant souvent problématiques à exploiter car le regard des musulmans de cette époque sur ses voisins chrétiens est biaisé. De plus ces écrits concernent principalement le conflit militaire entre Égypte et Nubie[2]. Une exception dans cet ensemble, le récit détaillé du diplomate égyptien Ibn Selim el-Aswani, qui voyagea à travers le Dongola à l'époque ou le Makuria était au sommet de sa puissance, au cours du Xe siècle[3].

La société nubienne connaissait et pratiquait l'écriture, et une quantité intéressante de textes de cette période ont pu être conservés. Ces documents sont rédigés en ancien nubien, dont l'alphabet est basé sur l'onciale de l'alphabet grec enrichi de quelques symboles coptes et de quelques autres propres à la Nubie. La langue écrite quant à elle est proche de l'actuel nobiin. Bien que ces documents soient depuis longtemps traduits, la quasi-totalité d'entre eux traitent de questions religieuses où sont des notes légales, textes de peu d'intérêt pour les historiens. La collection la plus connue reste celle découverte à Qasr Ibrim, qui contient quelques documents officiels exploitables.

Ces dernières années, l'archéologie a représenté la meilleure méthode pour obtenir des informations sur Makuria. La construction du Barrage d'Assouan en 1964 devait recouvrir d'eau ce qui avait autrefois été le Sud du Makuria. En 1960, l'UNESCO engagea de nombreuses actions pour réaliser le plus de fouilles de sauvegarde possibles avant la mise en eau. À cette occasion, des milliers d'experts furent mobilisés de par le monde. Parmi les sites d'importance prospectés on trouve la ville de Faras et sa cathédrale, mise à jour par une équipe polonaise, les travaux anglais menés à Qasr Ibrim et ceux de l'université du Ghana dans la partie ouest de la ville de Debeira. Ces travaux apportèrent de très nombreuses informations sur la Nubie médiévale. Tous ces sites sont situés sur la zone conquise au Nobatia, le seul site archéologique important en chantier du Makuria proprement dit est celui de l'exploration partielle de la vieille ville de Dongola[4].

[modifier] Histoire

[modifier] Origines

Les origines du Makuria sont incertaines. Ptolémée mentionne toutefois une tribu nubienne portant le nom de Makkourae, qui pourraient être les ancêtres des habitants du Makuria[5].

Le royaume semble s'être constitué au IVe ou Ve siècle. La première mention qui en est faite se trouve dans un texte de Jean d'Éphèse au VIe siècle, qui s'élève contre l'hostilité du Makuria envers les missionnaires monophysites voyageant vers Alodia. Peu de temps après Jean de Biclarum nota dans ses textes la conversion du Makuria à la foi melkite.

L'évènement le plus important de cette période de l'histoire du Makuria fut la déroute infligée à une armée arabe en 652. Les Arabes ayant conquis l'Égypte en 641, le jihad poursuivit sa lancée vers le sud. Lors de la bataille de Dongola, les Arabes furent défaits ou au moins repoussés par les Nubiens. La manière dont les Nubiens assurèrent leur victoire n'est pas claire, mais les chroniqueurs arabes remarquent la grande habileté des gens de Makuria avec leurs arcs. C'est la seule défaite d'importance infligée aux armées arabes durant le premier siècle de leur expansion. Cette défaite entraîne la signature du baqt, qui garantit la paix entre les deux parties. Dans ce traité, les Nubiens s'engagent à envoyer chaque année à l'Égypte plusieurs centaines d'esclaves, en contrepartie les égyptiens doivent fournir de la nourriture et des produits transformés[6].

Dans certaines zones du nord le Makuria et le Nobatia semblent fusionner[7]. Les preuves de cette fusion ne sont pas évidentes voir contradictoires. Les commentaires arabes sur l'invasion de 652 ne font en effet état que d'un seul royaume centré sur Dongola. Le bakt, négocié par le roi de Makuria, s'applique également à toute la partie nord d'Alodia. Cela a poussé certains chercheurs à proposer l'hypothèse que les deux royaumes pouvaient être unifiés pendant cette période de trouble. Cependant un livre, rédigé en 690 expose de façon claire que les royaumes de Makuria et de Nobatia sont deux états séparés, voir hostiles l'un envers l'autre. Une preuve recevable de l'union des royaumes est apportée par une inscription effectuée sous le règne de Merkurios à Taifa qui montre bien que la Nobatia était sous contrôle makurien au milieu du VIIIe siècle. Toutes les sources postérieures à cette date indiquent également cette domination du Makuria. Certains chercheurs en concluent que cette unification des deux royaumes s'est faite sous le règne de Merkurios, qui fut également appelé le nouveau Constantin" par Jean le diacre (Johannes Diaconus)[8].

La dénomination de ce royaume réuni n'est pas claire que ce soit dans les sources contemporaines ou parmi les historiens modernes. Makuria reste le terme employé en géographie pour désigner la moitié sud du royaume mais aussi pour désigner le royaume dans son ensemble. Certains auteurs utilisent même le terme de Nubie, ignorant en cela que la sud de la Nubie était toujours sous le contrôle de la partie indépendante de l'Alodia. Il est parfois aussi fait mention du royaume de Dongola d'après le nom de sa capitale. On trouve également parfois l'appellation de royaume de Makuria et Nobatia, ce qui implique peut-être une double monarchie. Enfin, on peut également trouver le terme de Dotawoqui peut faire référence à un royaume totalement indépendant[9].

[modifier] Apogée

Le Makuria semble avoir été stable et prospère pendant les VIIIe et XIXe siècles. À cette époque, l'Égypte, affaiblie par des guerres civiles fréquentes, ne représentait pas une grande menace pour le nord du pays. Ce sont alors les nubiens qui interviennent le plus dans les affaires des pays voisins. La majorité de la Haute-Égypte était alors encore chrétienne et envisageait les royaumes nubiens comme des protecteurs potentiels. Il est même fait mention de la mise à sac du Caire au VIIIe siècle, dans le but de défendre les chrétiens, mais il s'agit sûrement là d'un récit apocryphe[10].

On ne sait que peu de choses du Makuria pendant cette période. Un des fait les plus marquant est sans doute l'histoire de Zacharias III envoyant son fils Georgios à Bagdad pour y négocier une réduction du bakt. Plus tard, Georgios Ier, en tant que roi joua un rôle important dans l'histoire de l'explorateur arabe al-Umari. Les meilleurs témoignages sur cette époque sont archéologiques. Les fouilles menées montrent que la zone devait être stable et prospère. La poterie, la peinture et l'architecture nubienne atteignirent leur apogée à cette époque. Il semble que cette période coïncide avec un cycle régulier du Nil sans famines en cas de trop faibles inondations ou sans les destructions occasionnées par les trop fortes.

L'Égypte et le Makuria vont développer des relations fortes et pacifiques à l'époque fatimide. Les fatimides Shiites avaient alors peu d'alliés parmi le monde musulman et ils considérèrent les chrétiens d'Afrique comme de bons alliés[11].

La puissance fatimide dépendant aussi des esclaves Noirs fournis par le Makuria, en particulier pour venir grossir les rangs de leur armée. Le commerce entre les deux états fut florissant. L'Égypte expédiait de l'orge, du vin et du lin, tandis que le Makuria exportait de l'ivoire, du bétail, des plumes d'autruches et des esclaves.

Les relations avec l'Égypte se dégradent lorsque les ayyoubides prennent le pouvoir en Égypte en 1171. Très tôt au début de cette période, les nubiens envahissent l'Égypte, peut-être avec le soutien de leurs alliés fatimides[12]. Les ayyubides repoussent rapidement cette invasion et en représailles, Saladin envoit son frère Turan Shah à la conquête de la Nubie. Ce dernier défait les nubiens et occupe Qasr Ibrim pendant plusieurs années avant de se replier vers le nord. Les Ayyubides décident alors d'envoyer un émissaire en Nubie afin d'évaluer son potentiel et éventuellement de la conquérir définitivement. Mais cet émissaire jugera le pays trop pauvre. C'est pourquoi il semble que les ayyoubides ignorent cette zone pendant tout le siècle qui suivra.

[modifier] Le déclin

Il n'existe pas de récits de voyages sur le Makuria de 1171 à 1272, et les évènements marquant cette période restèrent longtemps inconnus, bien que des découvertes archéologiques récentes fournissent quelques éclairages. À cette époque le Makuria semble entrer dans une phase de déclin. La meilleure source disponible est Ibn Khaldun qui écrivit quelques dizaines d'années plus tard un texte sur les invasions bédouines et le rôle qu'y jouèrent les Arabes. Les Ayyubides se comportèrent en effet de façon particulièrement agressive avec les tribus bédouines de déserts voisins, les poussant à un conflit avec les Nubiens. Les éléments archéologiques donnent des preuves évidentes de d'instabilité croissante en Makuria. Les villes autrefois ouvertes se dotent progressivement de remparts, les habitants se déplacent vers des positions plus facilement défendables, comme le haut des falaises dans le cas de Qasr Ibrim. Les habitations se complexifient, intégrant en particulier des caches secrètes pour la nourriture ou les biens de valeur. Les travaux archéologiques montrent également une présence grandissante d'élément arabisants ou islamisants. La liberté de commerce étant un des articles du bakt, les marchants arabes se mirent à occuper une place important à Dongola et dans d'autres villes. Il est même envisageable que le nord (l'ancien royaume de Nobatia) est été fortement arabisé et islamisé. Cette zone, quasi autonome par rapport à Dongola étant de plus en plus dénommée al-Maris dans les textes.

Bien que les tribus du désert aient été les forces de destruction les plus actives dans ce déclin, les fréquentes campagnes des mamelouks égyptiens sont beaucoup plus documentées. L'un des termes du bakt était que le Makuria devait assurer la sécurité de la frontière sud de l'Égypte contre les raids menés par des tribus du désert comme les Bejas. Ne pouvant plus assurer son rôle l'état de Makuria du laisser les armées égyptiennes intervenir se laissant par la même affaiblir un peu plus. En 1272 le sultan mamelouk Baybars envahit le Makuria après que le roi David Ier ait attaqué la ville égyptienne de Aidhab. Cette action marque le début de plusieurs décennies d'interventions des Mamelouks dans les affaires nubiennes. Mais des dissensions internes semblent également marquer cette période. Le cousin de David Ier, Shekanda revendiqua le trône et se rendit au Caire y chercher le soutien des Mamelouks. Ces derniers approuvèrent son action et lancèrent une invasion de la Nubie en 1272, mettant Shekanda sur le trône. Le roi, chrétien, signa un accord de vassalité avec l'Égypte et une garnison mamelouks s'installa à Dongola. Après quelques années de cette occupation, Shamamun, un autre membre de la famille royale de Makuria, mena une rébellion afin de chasser la garnison égyptienne de Dongola. Il proposa à l'Égypte une augmentation des tributs annuels prévus dans le bakt en échange de l'annulation de contrat que Shekanda avait signé. Comme les armées mamelouks avaient fort à faire dans d'autres zones, le Sultan d'Égypte accepta cette proposition.

Après une période de paix, le roi Karanbas ne régla plus les paiements prévus et les égyptiens envahirent de nouveau le pays. Ce fut l'occasion pour eux de mettre sur le trône un membre musulman de la dynastie royale. Sayf al-Din Abdullah Barshambu commença alors la conversion du pays à l'islam et en 1317 la cathédrale de Dongola fut transformée en mosquée. Cette action fut rejetée par les autres dirigeants de Makuria et le pays sombra dans l'anarchie. Alors que les campagnes étaient sous contrôle des tribus nomades du désert, la monarchie ne garda qu'un contrôle restreint sur la capitale et sa périphérie. La dernière preuve de l'existence de la famille royale de Makuria est un appel à l'aide datant de 1397.

En 1412 la tribu des Awlad Kenz ou Abu Kenz prend le contrôle de la Nubie et d'une partie de l'Égypte (jusqu'à la thébaïde). Ils règneront en maîtres jusqu'en 1517 date à laquelle ce territoire fut conquis et rattaché au reste de l'Égypte par les armées ottomanes du sultan Selim Ier.

[modifier] Économie

La principale activité économique du Makuria était l'agriculture, avec des récoltes annuelles d'orge, de millet et de dattes. Les méthodes employées étaient sensiblement les mêmes que celles utilisées depuis plusieurs millénaires. Quelques îlots de terres irriguées s'étalaient le long des berges du Nil, qui les fertiliserait lors de ses inondations annuelles. Une avancée technologique majeure est la saqiya (noria), une roue à eau permettant l'irrigation, introduite à l'époque romaine où elle permit d'augmenter les surfaces cultivées, les rendements et la densité de population[13]. Les traces de propriétés sur les terrains, indiquent que la terre était divisées en petites parcelles individuelles plutôt qu'en parcelles communes comme c'est le cas dans un système de culture seigneurial. Les agriculteurs vivaient dans des petits villages formés de maisons adjacentes en briques crues.

La production manufacturée était essentiellement représentée par la poterie, en particulier dans la ville de Faras et le tissage à Dongola. Des ateliers à vocation locale ou régionale travaillaient le cuir, le métal et pratiquaient le tissage de paniers, nattes ou de sandales à base de fibres de palmier[14]. Autre activité d'importance, l'exploitation d'une mine d'or dans les collines de la Mer rouge à l'est du Makuria[15].

Le commerce était essentiellement basé sur le troc car l'état ne semble jamais avoir adopté de monnaie. Cependant dans le nord, les pièces égyptiennes étaient couramment utilisées[16]. Le commerce avec l'Égypte était particulièrement important. De celle-ci étaient importées des denrées précieuses et transformées. Les esclaves représentaient l'exportation principale du Makuria. Les esclaves expédiés au nord n'étaient pas originaires du Makuria mais plutôt de zones du sud et de l'ouest de l'Afrique[17]. On ne sait que peu de choses des relations commerciales du Makuria avec les autres régions d'Afrique. Il existe quelques signes archéologiques de contacts avec des zones de l'ouest comme le Darfour ou la région de Kanem-Bornu. Il semble y avoir eu en revanche de nombreux contacts diplomatiques avec les chrétiens d'Éthiopie du sud-est. Par exemple, au Xe siècle, Georgios II intervint en faveur du dirigeant (dont le nom n'est pas connu) de l'époque et réussit à persuader le Patriarche latin d'Alexandrie, Philoteos de doter l'Église éthiopienne orthodoxe d'un abuna (évêque métropolitain). Cependant il existe peu d'indices d'un commerce développé entre ces deux états chrétiens.

[modifier] Gouvernement

Makuria était une monarchie dirigée par un roi siégeant à Dongola. Le roi était également considéré comme un prêtre et pouvait dire la messe[18]. Les modalités des successions ne sont pas claires. Les premiers écrits indiquent une succession de la charge de père en fils. Après le XIe siècle, il semble pourtant que soit adopté une transmission au neveu par l'oncle maternel comme cela se pratiquait depuis des temps immémoriaux dans le pays de Kush. L'historien Shinnie propose que la forme tardive de succession ait toujours été utilisée mais que les premiers écrits arabes l'interprétèrent mal en la rapprochant du système patrilinéaire classique qui est le leur[19].

La hiérarchie sous l'autorité du roi est très mal connue. Une grande quantité d'officiers, de généraux, faisant usage d'appellations byzantines sont mentionnés dans les textes, mais leur rôle n'y est jamais décrit. Un personnage est un peu mieux connu, grâce aux documents trouvés à Qasr Ibrim indiquant que l'Eparch de Nobatia semble avoir été vice-roi de cette région après son annexion par le Makuria. Les chroniques de l'Eparch montrent de façon claire qu'il était responsable du commerce et de la diplomatie avec les Égyptiens. Les plus anciens écrits indiquent que l'Eparch était nommé par le roi mais des notes plus tardives semblent montrer que la charge soit devenue héréditaire[20]. Cette se transforma peut-être titre de Seigneur des chevaux qui dirigera par la suite la région autonome puis sous contrôle égyptien qui prendra le nom d'al-Maris.

Il semble que les évêques aient aussi joué un rôle dans le gouvernement. Ibn Selim el-Aswani relate qu'avant que le roi valide sa mission, il rencontra un conseil composé d'évêques[21]. El-Aswani décrit un état fortement centralisé, mais pour d'autres chroniqueurs il s'agissait d'une confédération de treize royaumes présidée par le roi du Dongola[22]. Il est très difficile de discerner ce que pouvait être la réalité, mais le royaume de Dotawo dont il est fait de nombreuses fois mention dans les écrits de Qasr Ibrim a pu être l'un de ces royaumes fédérés[23].

[modifier] Religion

Peinture de la cathédrale de Faras représentant la nativité
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Peinture de la cathédrale de Faras représentant la nativité

Un des thèmes les plus débattu parmi les chercheurs concerne la religion pratiquée au Makuria. Jusqu’au Ve siècle il semble que la religion de Méroé soit restée prédominante, alors qu’elle disparaissait en Égypte. Au Ve siècle les Nubiens lancent une expédition en Égypte, durant laquelle les chrétiens essayèrent de transformer les principaux temples en églises[24]. Les découvertes archéologiques pour cette période comportent de nombreux motifs chrétiens en Nubie, ce qui pour certains indique que la conversion évoquée au dessus était déjà en cours. Pour d’autres ces ornementations sont plus le signe de la foi des fabricants égyptiens que de celle des acheteurs nubiens.

La conversion définitive se fera avec l’appui de mission au cours du VIe siècle. L’empire byzantin décida d’expédier des émissaires pour convertir les royaumes à la foi chalcédonienne, mais l’impératrice Théodora aurait selon certains conspiré pour retarder le départ de la mission pour permettre à un groupe de monophysites d’être les premiers arrivés sur place[25]. Jean d'Éphèse rapporte que les monophysites réussirent à convertir les royaumes de Nobatia et d’Alodia, mais que celui de Makuria restera pour le moins hostile. Jean de Biclarum affirme que le Makuria embrassera la foi byzantine plus tardivement. Les pièces archéologiques semblent montrer une conversion rapide soutenue par une adoption officielle de la nouvelle religion. Des traditions millénaires comme la construction de tombes élaborées et l’enfouissement d’objet coûteux avec le défunt sont abandonnés et les temples à travers toute la région semblent avoir été transformés en églises. Il semble aussi que de nouvelles églises aient été bâties dans toutes les villes et villages[26].

Après cette période, l’évolution du christianisme au Makuria est plus incertaine. Il est admis qu’au VIIe siècle le Makuria adopte officiellement la religion copte et reconnaisse l’autorité du Patriarche d’Alexandrie. Le roi du Makuria devient le défenseur de ce dernier en intervenant de manière occasionnelle pour le protéger comme le fit Kyriakos en 722. Cette époque voit aussi l’absorption par le Makuria melkite du Nobatia copte et les historiens se sont longtemps étonnés que les conquérants aient adopté la foi de leurs rivaux. Il est clair que l’influence copte égyptienne dans la région était forte et que la puissance byzantine déclinait et cette opposition a pu jouer un rôle dans l’adoption de l’une ou l’autre des obédiences. Certains historiens sont également divisés pour savoir si ce fait marque la fin de l’opposition melkisme/copte car il existe des preuves de la subsistance d’une minorité melkite persistante jusqu’à la chute du royaume.

L’Église du Makuria était organisée en sept diocèses : Kalabsha, Qupta, Qasr Ibrim, Faras, Sai, Dongola, et Suenkur[27]. Contrairement à l’Éthiopie il n’existait pas d’instance nationale et chacun des sept évêques recevait ses ordres directement du Patriarche d’Alexandrie. Les évêques étaient nommés par la Patriarche et non par le roi, même s’il semble qu’ils aient été pour leur majorité choisis parmi des Nubiens plutôt que parmi des égyptiens[28].

Autre différence par rapport à l’Égypte, il n’existe pas de preuve d’un monachisme au Makuria. D’après Adams seuls trois sites peuvent être identifiés de façon certaine comme étant des monastères. Tous trois sont de petite taille et offrent les signes d’une influence copte ce qui peut suggérer qu’ils furent plus créés par des réfugiés égyptiens que par des originaires du Makuria[29].

La fin du christianisme en Makuria n’est pas claire, mais une pièce du puzzle est apportée par un récit de voyage de Francisco Alvarez, qui faisait parti de la cour de l’empereur Lebna Dengel d’Éthiopie et raconte qu’une ambassade de Nubie chrétienne vint demander dans les années 1520 la fourniture de prieurs, évêques et d’autres clercs afin de tenter de maintenir le christianisme dans leur pays. Lebna Dengel refusa l’aide demandée sous prétexte que les évêques étaient nommés par la Patriarche d’Alexandrie et qu’eux-mêmes devaient s’y rendre afin de lui demander assistance[30].

[modifier] Culture

La Nubie chrétienne a longtemps était considérée comme quantité négligeable en grande partie parce que ses tombes étaient de petite taille et manquaient de mobilier des époques antérieures[31]. Les chercheurs de l’époque moderne se sont rendu compte que cette situation était le fait d’une originalité culturelle et que le Makuria possédait en fait une culture riche et vivante.

Une des plus importantes découvertes en basse-Nubie du plan de sauvegarde d’urgence (avant la mise en eau) est la cathédrale de Faras. Cet imposant édifice, entièrement recouvert par les sables, a conservé une série de très belles peintures. D’autres peintures (bien que moins bien préservées) ont été découvertes dans d’autres sites du Makuria dont des palais ou des résidences privées, permettant ainsi d’appréhender d’une manière plus large l’art du Makuria[32]. Le style et les thèmes sont fortement influencés par l’art byzantin ainsi que par l’art copte et palestinien[33]. En grande majorité d’inspiration religieuses, elles décrivent les scènes classique de l’art chrétien. On trouve également des peintures représentant des rois de Makuria, des évêques à la peau notablement plus foncée que celle de personnages bibliques.

La poterie nubienne à cette période est également remarquable. Shinnie la décrit comme "la plus riche des poteries indigènes du continent africain". Les historiens différencient trois époques pour la poterie[34] :

  • La période précoce de 550 à 650 (selon Adams) ou 750 (selon Shinnie) est représentée par des poteries assez simples et similaires à celles du Bas Empire romain. Elle est également caractérisée par l’importation de poteries égyptiennes. Adams soupçonne que ce commerce ait pris fin avec l’invasion de 652, Shinnie le relie à la chute des Omeyyades en 750 ;
  • La période intermédiaire voit la production locale augmenter avec comme centre la ville de Faras. À cette période, qui durera jusque vers 1100 , les poteries étaient peintes de motifs floraux et zoomorphes et montre des influences Umayyades et même Sassanides[35] ;
  • La période tardive, durant le déclin du royaume, voit de nouveau baisser la production locale au profit d’importations égyptiennes. Les poteries produites sur place sont moins ornementées mais un meilleur contrôle des températures de cuisson permet d’obtenir différentes couleurs d’argile.

Différentes langues étaient parlées au Makuria. Dans les premiers siècles, quand l’influence byzantine était grande, le grec fut la première langue écrite et probablement celle utilisée par la cour royale. Le grec continua à être utilisé dans les époques suivantes pour la liturgie ou des buts cérémoniels comme sur beaucoup de pierres tombales. Cependant les inscriptions plus récentes montrent de nombreuses erreurs grammaticales et orthographiques, signes d’une maîtrise affaiblie de cette langue. On peut aussi supposer que l’ancien nubien, qui était la langue du peuple, devient la langue écrite principale. Les traductions de la Bible et d’autres textes religieux sont largement répandues. Un voyageur arabe affirme que Nobatia et Makuria parlaient des langues différentes. La plupart des documents disponibles viennent du Nobatia et la langue semble être l’ancêtre du nobiin parlé actuellement dans la région.

Adams note que les anciennes frontières entre Makuria et Nobatia sont proches de l’actuelle frontière linguistique entre le nobiin et le dongolawi. Une autre langue était répandue dans le Makuria, le copte. Les relations étaient fortes avec les chrétiens d’Égypte et le Makuria semble avoir abondement utilisé la littérature religieuse copte. La Makuria recevait également les afflux réguliers de réfugiés chrétiens d’Égypte parlant le copte. Dans les dernières années du royaumes, l’arabe se mit à occuper une place majeure. Les commerçants arabes étaient nombreux dans la région et l’arabe semble être devenu la langue commerciale. Au fur et à mesure de l’implantation de ces commerçants, chaque ville de quelque importance voit se développer un quartier arabe.

[modifier] Dirigeants

NB : les dates données sont incertaines pour la grande majorité des dirigeants connus.

  • Merkurios (c. 697—c. 722)
  • Zacharias Ier (c. 722—?)
  • Simon
  • Abraham (c. 744)
  • Markos (c. 744)
  • Kyriakos (c. 750)
  • Mikael (c. 790)
  • Johannes
  • Zacharias III (c. 822—c. 854)
  • Ali Baba (c. 854)
  • Israël
  • Georgios Ier (c. 872—c. 892)
  • Asabyos (c. 892)
  • Istabanos
  • Kubri (c. 943)
  • Zacharias IV
  • Georgios II (c. 969)
  • Simeon
  • Rafael (c. 1002)
  • Georgios III (?—1080)
  • Salomo (1080—1089)
  • Basileios (1089—1130)
  • Georgios IV (1130—1171)
  • Moïse (1171—1210)
  • Yahya (1210—1268)
  • David Ier (1268—1274)
  • David II (1274—1276)
  • Shakanda (1276—?)
  • Masqadat (?—1279)
  • Barak (1279—1286)
  • Samamun (1286—1293)
  • Amai (1304—1305)
  • Kudanbes (1305—1324)

[modifier] Notes

  1. K. Michalowski, The Spreading of Christianity in Nubia, p. 338
  2. P.L. & M. Shinnie, New Light on Medieval Nubia.
  3. William Y. Adams Nubia: Corridor to Africa p. 257
  4. Wlodzimierz Godlewski, The Birth of Nubian Art.
  5. Adams, Corridor to Africa, p. 442
  6. Jay Sapulding, Medieval Christian Nubia and the Islamic World: A Reconsideration of the Baqt Treaty, International Journal of African Historical Studies XXVIII, 3, 1995.
  7. Voir William Y. Adams, The United Kingdom of Makouria and Nobadia: A Medieval Nubian Anomaly pour un débat sur ce sujet.
  8. P.L. Shinnie, Ancient Nubia, p. 124
  9. Adams, The United Kingdom, p. 257
  10. Adams, Corridor to Africa, p. 456
  11. L. Kropacek, Nubia from the late twelfth century to the Funj conquest in the early fifteenth century, p. 399
  12. ibid, p. 401
  13. P.L. Shinnie, Christian Nubia, g. 556
  14. S. Jakobielski, Christian Nubia at the Height of its Civilization, pg. 207
  15. Shinnie, New Light
  16. Jakobielski, p. 207
  17. In fact, the Nubian trade in slaves from the southern Sudan centuries later was still viable according to Burckhardt's (1819) Travels in Nubia
  18. Shinnie, Christian Nubia, p. 581
  19. ibid. p. 581
  20. Adams, The United Kingdom, p. 258
  21. Jakobielski, p. 211
  22. Louis V. Zabkar, The Eparch of Nobatia as King, Journal of Near Eastern Studies, 1963.
  23. Adams, The United Kingdom, p. 259
  24. Adams, Corridor to Africa, p. 440
  25. Adams, Corridor to Africa, p. 441
  26. Shinnie, New Light
  27. Shinnie, Christian Nubia, p. 583
  28. Adams, Corridor to Africa, p. 472
  29. Adams, Corridor to Africa, p. 478
  30. C.F. Beckingham and G.W.B. Huntingford, The Prester John of the Indies, Cambridge: Hakluyt Society, 1961, pp. 460-462
  31. Adams, Corridor to Africa,' p. 495
  32. Wlodzimierz Godlewski, The Birth of Nubian Art, p. 255
  33. ibid p. 256
  34. Shinnie, New Light
  35. Shinnie, Christian Nubia, p. 570

[modifier] Bibliographie

  • William Y. Adams, Nubia: Corridor to Africa, Princeton: Princeton University Press, 1977.
  • William Y. Adams, The United Kingdom of Makouria and Nobadia: A Medieval Nubian Anomaly. Egypt and Africa: Nubia from Prehistory to Islam, edited by W.V. Davies, London: British Museum Press, 1991.
  • E.A. Wallis Budge, A History of Ethiopia: Nubia and Abyssinia, 1928, Oosterhout, the Netherlands: Anthropological Publications, 1970.
  • Wlodzimierz Godlewski, The Birth of Nubian Art: Some Remarks. Egypt and Africa: Nubia from Prehistory to Islam edited by W.V. Davies, London: British Museum Press, 1991.
  • S. Jakobielski, Christian Nubia at the Height of its Civilization. UNESCO General History of Africa, Volume III.
  • L. Kropacek, Nubia from the late twelfth century to the Funj conquest in the early fifteenth century, UNESCO General History of Africa, Volume IV.
  • K. Michalowski, The Spreading of Christianity in Nubia. UNESCO General History of Africa, Volume II.
  • P.L. Shinnie,
    • Ancient Nubia, London: Kegan Paul, 1996,
    • Christian Nubia. The Cambridge History of Africa: Volume 2, From c. 500 BC to AD 1050, editor J. D. Fage, Cambridge: Cambridge University Press, 1979,
    • New Light on Medieval Nubia. Journal of African History VI, 3, 1965.

[modifier] Lien externe

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