L'Illusion comique
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L'Illusion comique est une pièce de théâtre en cinq actes écrite par Pierre Corneille en 1635, créée à l'Hôtel de Bourgogne en 1636 et publiée en 1639.
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[modifier] Introduction
Lorsque Corneille écrit cette pièce, il a 29 ans et a déjà écrit sept autres pièces de théâtre dont des tragédies et des comédies. L'Illusion comique marque un tournant dans la carrière littéraire de son auteur puisqu'après l'avoir écrite, Corneille n'écrira plus que des tragédies. Cette pièce peut alors apparaître comme l'aboutissement d'un apprentissage dans lequel l'auteur laisse éclater sa virtuosité littéraire. S'il n'est pas déplacé de parler de « virtuosité », c'est que Corneille condense dans cette pièce tous les genres théâtraux : « Le premier acte n'est qu'un prologue » qui s'inspire de la pastorale. « Les trois suivants font une comédie imparfaite » avec son personnage de farce, Matamore. Cette « comédie imparfaite » évolue vers une tragi-comédie avec ces épisodes de rivalité, d'emprisonnement et de mort. « Le dernier est une tragédie, et tout cela cousu ensemble fait une comédie ». L'Illusion comique résume donc tout l'univers théâtral ; à travers cette pièce Corneille démontre qu'il maîtrise tous les genres théâtraux.
[modifier] Résumé
[modifier] Acte I
Le premier acte commence à l'entrée d'une grotte où se présentent deux personnages : Pridamant, un père éploré par la disparition de son fils (Clindor) et Dorante à qui il explique les causes possibles de cette disparition. Dorante veut lui présenter un magicien qu'il sait capable de l'aider (sc.1). Ce magicien, Alcandre, devine tout de suite les raisons de la venue de Pridamant et lui annonce qu'il pourra lui faire voir son fils grâce à un artifice. Avant cela, il demande à Dorante de partir (sc.2). Dorante parti, Alcandre commence par raconter à Pridamant que son fils a vécu une vie de picaro depuis son départ et qu'il s'est mis au service d'un « brave » dans la région de Bordeaux (sc.3).
[modifier] Acte II
Au début du 2ème acte, Alcandre et Pridamant regardent l'artifice du magicien grâce auquel ils peuvent voir les « deux fantômes vains » qui représentent Clindor et son maître Matamore (sc.1). Clindor écoute avec complaisance Matamore se vanter d'exploits improbables en attendant l'arrivée d'Isabelle qui apparaît accompagnée de son prétendant officiel. Matamore se dérobe à leur arrivée (sc.2). Adraste est éconduit par Isabelle mais cela ne l'empêche pas de partir aller demander sa main à son père (sc.3). Après son départ, Matamore et Clindor se montrent et le maître en profite pour faire à nouveau valoir ses prouesses lorsqu'un page vient le chercher pour qu'il aille s'occuper des prétendues affaires amoureuses qui le pressent (sc.4). Seule avec Clindor, Isabelle lui réaffirme son amour avant de s'enfuir au retour d'Adraste (sc.5). Le prétendant se doute de la rivalité de Clindor et le met en garde mais celui-ci lui répond avec fierté et noblesse (sc.6). Lyse, la servante d'Isabelle, propose à Adraste de l'aider à surprendre les deux amants (sc.7). Seule, Lyse se réjouit de pouvoir faire payer à Clindor sa préférence pour Isabelle (sc.8). Les deux « spectateurs » que sont Alcandre et Pridamant se retrouvent seuls sur scène et le magicien essaye de rassurer le père de Clindor sur ce qui attend son fils (sc.9).
[modifier] Acte III
L'acte III débute sur les reproches de Géronte à sa fille qui refuse Adraste pour époux (sc.1). Seul, Géronte se persuade qu'il parviendra à ses fins avec sa fille (sc.2). Puis il met dehors Matamore venu fanfaronner devant lui (sc.3). De loin, Matamore menace le vieil homme puis il se laisse aller à sa mauvaise foi, changeant en honneur ce qui est couardise(poltronnerie;lâcheté), avant de s'enfuir en croyant entendre les valets de Géronte (sc.4). Mais c'est Lyse qui paraît et Clindor lui fait la cour en prétendant qu'il ne lui préfère Isabelle que pour sa fortune (sc.5). Lyse, restée seule, hésite puis se laisse aller à sa haine (sc.6). Matamore revient seul en scène, tremblant de peur. Il se cache lorsqu'arrivent Isabelle et Clindor (sc.7). Dialogue amoureux qui fait sortir Matamore de sa cachette (sc.8). Clindor prend l'ascendant sur son maître et obtient qu'il lui « cède » Isabelle (sc.9). Isabelle et Clindor remercient Matamore (sc.10). Ils veulent s'embrasser quand Adraste survient avec Géronte et ses valets. Matamore s'enfuit, Clindor touche Adraste mais doit céder (sc.11). À nouveau, il ne reste que Pridamant et Alcandre sur scène. Le père croit son fils mort mais Alcandre le rassure (sc.12).
[modifier] Acte IV
L'acte IV s'ouvre sur le monologue tragique d'Isabelle : Adraste est mort, Clindor est blessé et il est condamné à mort. Isabelle jure de ne pas lui survivre (sc.1). Elle est rejointe par Lyse qui après s'être moquée d'elle finit par la rassurer : Isabelle et Clindor pourront s'enfuir le soir même avec Lyse et le geôlier qu'elle a séduit. Isabelle va préparer ses affaires (sc.2). Lyse exprime ses regrets, elle n'en voulait pas assez à Clindor pour vouloir sa mort (sc.3). Isabelle tombe sur Matamore qui se cachait depuis plusieurs jours. Elle et Lyse se moquent de lui puis elles le font fuir en le menaçant des valets (sc.4). Elles plaisantent à ce sujet (sc.5). Le geôlier arrive pour les avertir que tout est prêt (sc.6). Monologue de Clindor en prison. Il cherche à fuir l'idée de sa mort prochaine en pensant à Isabelle (sc.7). Après le geôlier, Lyse et Isabelle rentrent dans sa cellule et le libèrent. Ils s'enfuient tous les quatre (sc.8 et 9). Alcandre rassure à nouveau Pridamant et lui annonce la « haute fortune » qui attend son fils et ses compagnons (sc.10).
[modifier] Acte V
Alcandre demande à Pridamant de rester à l'écart, malgré son éblouissement, lorsque arrivent les jeunes héros, complètement métamorphosés (sc.1). La nuit, dans le jardin d'un palais, Isabelle paraît dans des habits de princesse, et raconte à Lyse que son « perfide époux » a rendez-vous avec la princesse Rosine (sc.2). Clindor arrive, prend Isabelle pour Rosine et lui déclare son amour par mégarde. Sa femme s'en prend alors à lui et lui reproche ses infidélités alors qu'elle a tout quitté pour le suivre. Clindor lui réaffirme son amour en faisant au passage l'éloge de l'infidélité. Devant les menaces de suicide d'Isabelle, il renonce à Rosine (sc.3). Cette dernière arrive tandis qu'Isabelle se cache. Clindor lui résiste effectivement (sc.4). C'est alors que surviennent les hommes de main du prince Florilame qui tuent Rosine et Clindor. Isabelle, quant à elle, est amenée auprès du prince qui est en réalité amoureux d'elle (sc.5). Pridamant est effondré devant les sarcasmes d'Alcandre qui finit par lui montrer son fils et les autres personnages, bien vivants, en train de se partager de l'argent. Clindor et ses amis sont en fait devenus des comédiens et ils viennent d'interpréter le dernier acte d'une tragédie. La pièce se termine sur l'apologie du théâtre et du métier de comédien fait par Alcandre à Pridamant pour l'assurer du bon choix de son fils (sc.6).
[modifier] Étude de l'œuvre
[modifier] Structure
L'Illusion comique s'appuie sur le motif du théâtre dans le théâtre et multiplie les niveaux de représentation :
- le premier niveau est celui de la pièce complète avec son lot d'inquiétudes, de nœuds et de dénouements.
- le deuxième est celui de la scène entre Alcandre et Pridamant, à la fois personnages et spectateurs de ce qui se déroule devant eux.
- le troisième est celui des jeunes gens, Clindor et Isabelle, et de leurs aventures.
- le quatrième et dernier est celui de la pièce de théâtre jouée par les jeunes gens.
[modifier] Le théâtre du monde
La structure complexe de la pièce, basée sur des enchâssements successifs (théâtre dans le théâtre) et un jeu d'apparences trompeuses (la fausse mort de Clindor), a pour but d'égarer le lecteur. Le jeu des illusions s'inscrit dans l'idée baroque selon laquelle la vie est un théâtre et on voit dans cette pièce comment Corneille exploite cette idée lorsque se confondent la vraie vie de Clindor et le rôle qu'il joue. Le déguisement, le changement d'identité sont autant de marques de l'imprégnation baroque sur cette pièce. L'homme devient un véritable Prothé. La grotte peut également être interprétée comme une métaphore du théâtre avec sa scène et ses spectateurs.
[modifier] L'Instabilité du monde
La linéarité de l'histoire est plusieurs fois brisée, de nombreuses digressions viennent briser des actions qui s'entrecroisent et peuvent rester inachevées (Matamore retrouvé après plusieurs jours). L'histoire principale est enlacée par des histoires secondaires. Cette inconstance de la diégèse est renforcée par l'inconstance amoureuse des personnages (éloge de l'infidélité par Clindor : V, 3). Cette instabilité confine même au tourbillon sur la fin de la pièce lorsque Pridamant et le lecteur avec lui ne savent plus ce qui ressort de la réalité ou de la fiction.
[modifier] Transgression de la règle des trois unités ?
On pourrait croire que les unités classiques sont transgressées :
- l'enchevêtrement des intrigues brise l'unité d'action ;
- deux années s'écoulent entre la fin de l'acte IV et le début de l'acte V ce qui est inconciliable avec l'unité de temps ;
- l'unité de lieu est également mise à mal puisque l'acte I s'ouvre dans la grotte d'Alcandre (en Touraine), les trois actes suivants se passent à Bordeaux, tandis que le dernier à lieu à Paris.
On pourrait donc penser que nous sommes bien éloignés des préceptes du théâtre classique qui privilégie une intrigue unique se déroulant en une seule journée dans un espace intérieur mais Corneille déjoue cette transgression qui, si elle était véritable pourrait rendre sa pièce non valable en faisant tout se passer dans la grotte d'Alcandre, en seulement quelques heures. De sorte que, considérée de l'avant-scène - le seuil de la grotte d'Alcandre où se tient Pridamant -, la pièce se situe bien dans un lieu unique ; elle ne dure pas plus que la représentation elle-même ; enfin son action se concentre sur la vision de Pridamant et la "réforme" qu'Alcandre produit sur lui au sujet de sa propre illusion et des préjugés qu'il avait sur la "comédie" : les lois du théâtre classique sont donc présentes comme une enveloppe ; elles enchâssent le théâtre baroque dans une bulle chatoyante mais qui ne donne néanmoins à voir que des "spectres". Ce respect mitigé et paradoxal des règles classiques est expliqué par le fait que l'œuvre est créée pendant une période de transition, entre baroque et classicisme. Il n'est pas impossible d'y voir à la fois un hommage au théâtre baroque et une féroce satire de celui-ci. On incitera par la suite Corneille à se conformer aux normes du mouvement émergent, bien que lui-même dise considérer L'Illusion comique comme un "caprice", un "éstrange monstre" (voir l'Épître dédicatoire, et l'Examen de 1660)
[modifier] Échos tragiques, éléments de classicisme
Bien que cette pièce ressorte principalement du théâtre baroque, certains passages sont teintés d'une couleur fortement tragique qui n'est pas sans laisser entrevoir les grandes tragédies classiques qui naîtront par la suite. Malgré la légèreté des intrigues amoureuses, le thème de la mort se retrouve en effet à plusieurs reprises. Il y a bien sûr la fausse mort de Clindor qui vient, un instant, plonger la pièce dans une atmosphère tragique. Cet événement vient plonger le spectateur dans des sentiments mêlés de Terreur et de Pitié (incarnés dans le personnage de Pridamant). Lorsque l'on se rappelle que ce sont là les deux grandes émotions théâtrales selon Aristote, on devine aisément ce que cet épisode contient de classicisme en germes. Cependant les passages les plus marquants de cette thématique sont incontestablement les monologues d'Isabelle (IV, 1) et de Clindor (IV, 7). Désespérée par le « jugement inique » qui condamne « un pauvre inconnu » pour son « feu légitime », Isabelle envisage sa propre mort en héroïne tragique et déclare : « Je veux perdre la vie en perdant mon amour ». Mais elle ne se contente pas de vouloir suivre Clindor dans la mort, elle se met à espérer que son trépas entraînera le désespoir de son « père inhumain ». Clindor, quant à lui, expie ses frivolités passées en accédant au statut de héros tragique au cours de son monologue. Il convoque à lui les souvenirs d'Isabelle afin de surmonter l'épreuve de la mort et s'en trouve transfiguré : « Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous ! ». Pendant un instant, il semble retomber dans la peur de la mort et dans le désespoir ("la peur de la mort me fait déjà mourir"). Au cours d'une longue hypotypose ("Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare"), il vit en imagination son supplice. Mais c'est encore l'image d'Isabelle qui vient effacer cette macabre vision. L'amour lui permet donc de dépasser la pensée et la peur de la mort.
[modifier] Mélange des genres théâtraux
[modifier] La commedia dell'arte
[modifier] La pastorale
[modifier] La tragi-comédie
[modifier] Extraits d'importance
[modifier] La scène d'exposition (I, 1)
La scène d'exposition d'une pièce de théâtre est la première scène, du premier acte. Comparable à l'incipit d'un roman, elle doit présenter l'action, le lieu, le temps, et les personnages.
[modifier] Le monologue de Clindor (IV, 7)
[modifier] L'apologie du théâtre (V, 5)
[modifier] Bibliographie
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- Chapiro, Marc, L'illusion comique, Paris, PUF, 1940.
- Margeat, Danielle, L'illusion comique, Corneille, Paris, Bordas, 1990.
- Fumaroli, Marc, Héros et Orateurs : rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1990.
- Kintzler, Catherine, "L'Illusion de Corneille : l'optique philosophique et le temps de comprendre", article en ligne, 2006.
- Biet, Christian, "L’avenir des illusions ou le théâtre et l’illusion perdue", Littératures classiques n° 44, 2002, p. 175-214.
- Forestier, Georges, Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française au XVIIe siècle, Paris et Genève : Droz, 1988.
- Cornud-Peyron Mireille, "L'illusion comique", Pierre Corneille : résumé analytique, commentaire critique, documents complémentaires, Paris : Nathan, 1992.
- Martin Fanny, "L'Illusion comique", Corneille : livret pédagogique, Paris : Hachette éducation, 2003.
- Richard Annie, "L'Illusion comique" de Corneille et le baroque: étude d'une œuvre dans son milieu, Paris : Hatier, 1972.
- Weiss Frédéric, L'illusion comique, Corneille: dossier pédagogique, Paris : Larousse, 1999.
- Dällenbach Lucien, Le Récit spéculaire. Essais sur la mise en abyme, Paris : Seuil, 1977.
- Vialleton Jean-Yves, Lecture du jeune Corneille "L'Illusion comique" et "Le Cid", Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001.
- Mannoni Octave, "L’illusion .corneille.org] : Ressources en ligne et bibliographie.
- DITL : Dictionnaire international des termes littéraires. Définition du terme "Illusion".
- Gallica Texte en ligne.
- Gallica Biographie de Corneille.