Diffusion Compton
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
La diffusion Compton, ou effet Compton, est l'augmentation de la longueur d'onde qui se produit lorsque des photons interagissent avec des électrons dans la matière. Ce phénomène fut observé d'abord par Arthur Compton en 1923. L'expérience de Compton devint l'ultime observation qui convainquit tous les physiciens que la lumière peut se comporter comme un faisceau de particules dont l'énergie est proportionnelle à la fréquence.
Sommaire |
[modifier] Description générale du phénomène
Lorsque les photons ont une énergie assez élevée, l'interaction aboutit à ce que
- l'électron reçoive assez d'énergie pour être complètement éjecté de son atome,
- et à ce qu'un nouveau photon, portant l'énergie restante, soit émis dans une direction différente que celle de l'original.
L'interaction conserve la quantité de mouvement et l'énergie globale du système.
Si le nouveau photon a encore assez d'énergie, le processus pourra être répété. En raison de la réduction de l'énergie du photon, il y a une augmentation correspondante de sa longueur d'onde. Alors globalement il y a un léger rougissement et une diffusion des photons pendant qu'ils passent à travers la matière. Cette diffusion est également connue sous le nom d'effet Compton. Dans une matière où il y a des électrons libres, cet effet surviendra à toutes les énergies de photons et donc à toutes les longueurs d'ondes.
Cet effet est important en physique car il a démontré que la lumière ne peut pas être purement expliquée en tant que phénomène ondulatoire. Il faut admettre que la lumière se comporte comme si elle se composait de particules pour expliquer la diffusion Compton.
La diffusion Compton a parfois été proposée en tant qu'explication de rechange pour le phénomène du décalage vers le rouge par les opposants à la théorie du Big Bang. Un tel phénomène se remarquerait aussi dans les raies spectrales des objets éloignés et ceci n'est pas observé, aussi cette explication est généralement rejetée.
[modifier] Histoire de la découverte de l'effet Compton
C'est dans une atmosphère de très grand scepticisme au sujet de la théorie de la quantification de la lumière d'Einstein que Arthur H. Compton débuta ses travaux de thèse en 1912. Compton a soutenu sa thèse (Ph.D.) à l'université de Princeton en juin 1916.
Il passa l'année suivante (1916-1917) en tant que professeur de physique à l'Université du Minnesota, puis devint ingénieur de recherche pour la compagnie des lampes Westinghouse durant 2 ans (1917-1919). Arthur Compton reçut en 1919 une des premières bourses du conseil national de la recherches pour aller étudier en Grande-Bretagne à Cambridge, au sein du laboratoire Cavendish pour l'année universitaire 1919-1920. De retour aux États-Unis, il est nommé Professeur de Physique et Directeur du département de Physique de l'Université Washington à St Louis, Missouri. Il y restera jusqu'en 1923, date de la publication de sa découverte de l'effet qui porte désormais son nom.
Lorsque Compton débuta ses recherches à l'Université du Minnesota en 1916, l'électrodynamique classique était encore acceptée par une très grande majorité des physiciens. Cette hypothèse guida ses recherches et sous-tendait ses différentes expériences. Compton voulait tester expérimentalement une ancienne théorie de Wilhelm Weber considérant l'atome comme l'ultime particule magnétique. Pour cette expérience, Compton fit réfléchir des rayons X sur un cristal de magnétite en ajoutant alternativement un champ magnétique extérieur.
Il cherchait à observer un éventuel changement dans les figures de diffraction de Laue, qui auraient dû apparaître du fait du mouvement des atomes de magnétite dans leur réseau cristallin. Malgré de nombreuses tentatives, Compton ne vit jamais de modification des figures de diffraction.
Il passa les cinq années suivantes à essayer de comprendre comment les rayons X étaient diffusés lorsqu'ils traversent la matière.
Lorsqu'il rejoint la compagnie Westinghouse en 1917, ces résultats l'avaient déjà convaincu que ce n'était pas l'atome qui était la particule magnétique ultime mais bien l'électron. Durant sa période industrielle, Compton continua à travailler sur des sujets théoriques concernant la dimension de l'électron.
Compton réfléchit à de nouvelles idées à Cavendish, non seulement grâce aux critiques nombreuses de Rutherford , mais aussi grâce aux résultats expérimentaux qu'il a pu obtenir pendant son séjour à Cavendish.
Ses expériences les plus significatives étaient semblables à celles que J.A. Gray avait effectuées à Cavendish avant la première guerre mondiale. Elles consistèrent à envoyer un faisceau de rayons gamma sur des feuilles minces de diverses substances telles que le fer, l'aluminium, et la paraffine, en plaçant un écran d'abord dans le faisceau primaire et puis dans le faisceau secondaire, pour observer s'il y avait des différences entre les rayons gamma dans les deux faisceaux.
Il a pu constaté qu'en effet des différences existaient. Les rayons gamma secondaires ou diffusés étaient plus intenses vers l'avant que dans la direction vers l’arrière ; ils étaient « plus mous » ou d'une plus grande longueur d'onde que les rayons gamma primaires. Cette « dureté » ou longueur d'onde ne dépendait pas de la nature du matériau diffuseur et elle devenait « plus molle » (ou d'une plus grande longueur d'onde) lorsque l’angle thêta de diffusion était augmenté. Ces résultats expérimentaux étaient remarquables, et Compton a travaillé ardemment pour les expliquer théoriquement.
Une nouvelle fois, Compton a supposé que la longueur d'onde des rayons gamma ne pouvaient pas être modifiée lors de la diffusion – conformément à la théorie classique de diffusion de Thomson. Il a donc recherché une nouvelle explication. Compton finit par conclure que les rayons gamma primaires excitaient l'émission d'un nouveau type de rayonnement gamma de fluorescence dans le matériau diffuseur - un nouveau type parce que la seule des quatre caractéristiques qu'il avait en commun avec le rayonnement de fluorescence classique était qu'il avait une plus longue longueur d'onde que le rayonnement primaire. Mais comment un type de rayonnement fluorescent si nouveau pouvait-il être excité dans le matériau diffuseur ?
Compton proposa un mécanisme spécifique : que les rayons gamma primaires frappaient les électrons dans le diffuseur, qu'il considérait maintenant comme des oscillateurs électriques, et étaient propulsés vers l’avant à des vitesses relativistes. Le rayonnement émis par de tels électrons - oscillateurs relativistes formerait un pic dans direction vers l'avant, et lors de son observation, par exemple perpendiculairement à la direction du mouvement, il subirait un décalage Doppler induisant une plus longue longueur d'onde que le rayonnement primaire. C’est ainsi que Compton expliqua les caractéristiques des rayons gamma diffusés qu'il avait observés.
Lorsque Compton quitta le laboratoire de Cavendish à la fin de l'été de 1920 pour prendre la charge de professeur à l'université Washington à St Louis, Missouri, il emporta avec lui un spectromètre de Bragg, dans le but de voir si les rayons X pourraient exciter le même nouveau type de rayonnement fluorescent - avec toutes ses caractéristiques peu communes qu'il avait observées pour les rayons gamma.
Son plan était d'utiliser son spectromètre de Bragg non pas comme spectromètre, mais comme « sélecteur de longueur d'onde, » c'est-à-dire pour produire un faisceau monochromatique de rayons X. En avril 1921 il obtint sa réponse : les rayons X monochromatiques excitaient en effet le même nouveau type de rayonnement fluorescent que les rayons gamma. En outre, comme il le découvrit bientôt avec Charles F. Hagenow, le nouveau rayonnement de fluorescence X était également polarisé – un nouveau comportement étonnant par rapport au rayonnement de fluorescence ordinaire.
En automne 1921, Compton eut une nouvelle surprise.
J.A. Gray, maintenant à l'Université McGill à Montréal mais qui travaillait temporairement dans le laboratoire de William H. Bragg à l'université de Londres, s’était également tourné vers des expériences de rayons X en 1920. Il avait envoyé des rayons X approximativement homogènes d'une raie de l’étain sur un écran en aluminium et avait également constaté que les rayons X secondaires étaient beaucoup plus « mous » que les primaires. Il expliqua cette observation en supposant que les rayons X primaires se composaient d’impulsions électromagnétiques interférant les unes avec les autres après avoir été diffusées, pour former des impulsions plus larges, c’est-à-dire plus « douces ». En même temps, Gray invoquait également que si ses rayons de X primaires étaient constitués non pas d’impulsions électromagnétiques mais d’ondes électromagnétiques véritablement monochromatiques, alors les rayons X secondaires ou diffusés auraient nécessairement la même longueur d'onde que les primaires - suivant encore la théorie classique de la diffusion de Thomson.
En septembre 1921, S.J. Plimpton, qui travaillait également dans le laboratoire de Bragg à Londres, confirma l'interprétation de Gray. Plimpton montra qu'un faisceau homogène de rayons X, produits par réflexion à partir d'un cristal incurvé de mica, ne devenait pas plus « mou » une fois diffusé par de la paraffine ou de l'eau.
L'interprétation de Gray et la confirmation de Plimpton troublèrent profondément Compton, parce qu'il avait conclu que quand un faisceau primaire homogène de rayons X traversait la matière, le secondaire ou les rayons X diffusés étaient en effet plus « mous » que les primaires, puisqu'ils étaient composés de son nouveau type de rayons X de fluorescence. Alors, Compton, immédiatement (en octobre 1921), effectua d'autres expériences et se convaincu que Plimpton était dans l’erreur et que lui avait raison.
En conséquence, Plimpton et Gray se trompaient en croyant que seul un faisceau inhomogène de rayons X pouvait devenir plus « mou » une fois diffusé.
La théorie de l'impulsion de Gray, en d'autres termes, devait être incorrecte, et la théorie du rayonnement de fluorescence devait être correcte.
Compton considéra son expérience comme cruciale – crucis experimentum, dans la terminologie vénérable de Newton - entre la sienne et les théories de Gray, n'ayant pas la moindre idée qu'une troisième théorie entièrement différente était alors possible.
- Ceci, généralement, est une erreur de base dans le concept de l’expérience cruciale : penser en termes dichotomes exclut la possibilité d'une troisième interprétation.
Juste après avoir rapporté les résultats précédents, Compton fit le plus consécutif de tous les changements dans son programme expérimental. Il commença à utiliser son spectromètre de Bragg non plus comme « sélecteur de longueur d'onde » mais comme véritablement un spectromètre, c’est-à-dire qu’il commença à comparer le spectre du rayonnement secondaire et celui des rayons X primaires.
Il utilisa pour ses rayons X primaires la raie K du Molybdène, dont la longueur d'onde est lambda = 0.708 Angström, qu’il envoya sur des diffuseurs de pyrex et de graphite. Il observa les rayons X secondaires à un angle de diffusion d’environ de 90 degrés.
Il publia ses résultats dans Physical Review au début de décembre 1921. Il n'a pas montré les spectres obtenus dans cet article, mais ses cahiers d’expérience, retrouvés depuis, montrent que la raie du spectre secondaire est décalée légèrement vers la droite de celle du spectre primaire, ce que Compton n'a pas vu à ce moment.
Son article stipule que la longueur d’onde du rayonnement secondaire est de 0,95 Angström, ou environ 35% plus grande que celle du spectre primaire à 0.708 Angström. En d'autres termes, Compton considéra que le spectre primaire était constitué des raies intenses à gauche – vu comme une raie simple à 0.708 Å - et que le spectre secondaire était les raies plus petites à droite - vu comme raie simple à 0.95 Angstrom.
Le rapport mesuré des longueurs d’onde primaire/secondaire était alors λ / λ' = 0.708/0.95 = 0.75.
A partir de ces données, comment Compton a-t-il expliqué cette grande variation dans la longueur d'onde ? Il a à nouveau utilisé son hypothèse du rayonnement de fluorescence et a interprété le grand décalage de longueur d'onde comme un effet Doppler. Ainsi, vu à un angle de 90°, le rapport des longueurs d’onde primaire/secondaire est donné près λ / λ'= 1-v/c, où v est la vitesse des électrons-oscillateurs émettant les rayons X secondaires. Comment Compton a-t-il déterminé la vitesse v ? En appliquant la conservation d'énergie, c’est-à-dire en écrivant 1 / 2 mv² = hν, se qui conduit à l’expression λ / λ' = 1−v/c = 1−√((2hν/mc²)) = 1 – 0,26 = 0,74 (avec hν = 0.017 MeV et mc² = 0,511 MeV).
- Difficile de souhaiter un meilleur accord entre la théorie et la mesure expérimentale de λ / λ'. Ceci est un très bel exemple historique de théorie fausse confirmée par des résultats expérimentaux douteux.
Lorsqu’en octobre 1922 Compton publia un article pour le Conseil National de la recherche, il se rendit compte qu’il avait mal lu ses résultats expérimentaux. Il réalisa que le décalage en longueur d’onde entre le rayonnement primaire et le rayonnement secondaire n’était pas de 35%, mais seulement de quelques pourcents : en réalité λ / λ' = 0,708/0,730 = 0,969, et non 0,75.
Comment alors expliquer ce résultat ? Une fois encore Compton interpréta cela à l’aide de sa théorie du rayonnement de fluorescence associé à un effet Doppler, mais désormais en considérant que la vitesse des électrons-oscillateurs était déterminée par la conservation de l'impulsion. En utilisant l’expression h/λ = mv, il arriva à λ / λ' = 1−v/c = 1−h/mcλ
- Une fois encore, qui pouvait rêver meilleur accord entre théorie et expérience ? Ceci est à nouveau un bel exemple, cette fois d'une théorie fausse mais confirmée par des données expérimentales correctes.
Dans le mois qui suivit, Compton mit tous ces résultats ensemble, il dessina le diagramme correct de conservation de l'impulsion, utilisa ensemble conservation de l'énergie et conservation de l'impulsion, utilisa l’expression relativiste exacte pour la masse de l’électron et en déduisit la désormais célèbre formule du décalage en longueur d’onde apparaissant lors d’une diffusion de rayons X : Δλ = λ'/λ = (h/m0c)(1-cosΘ).
À un angle de 90°, le décalage obtenu serait ainsi de 0,024 Å, ce qu’il compara avec son résultat expérimental (correctement lu) de l’ordre de 0,022 Å.
Il n’y avait plus aucun besoin d’invoquer un rayonnement de fluorescence associé à un effet Doppler. Pour expliquer le changement de longueur d’onde observé, il suffisait de considérer qu’un quantum de lumière d’énergie hν et d’impulsion hν/c entrait en collision avec un électron libre à la manière d’une boule de billard et le projetait vers l’avant avec une vitesse relativiste.
Compton expliqua son nouveau calcul tout d’abord à ses étudiants de l’université Washington en novembre 1922, puis lors d’une rencontre de l’American Physical Society à Chicago le 2 décembre 1922. Il soumit sa théorie quantique de la diffusion à la Physical Review le 10 décembre 1922 ; cet article parut en mai 1923. Arthur Holly Compton avait découvert l’effet Compton.
[modifier] Calcul de la variation de longueur d'onde par la théorie quantique
La théorie quantique propose cette équation pour la diffusion des électrons :
Considérons un photon venant de la gauche et se dirigeant vers la droite avec une impulsion et une énergie E = pc ; le photon est diffusé par un électron au repos, d'énergie initiale mc2, dans une direction faisant un angle θ par rapport à la direction d'origine. L'électron prenant une direction Θ, l'impulsion du photon sera et celui de l'électron . Nous allons appliquer la loi de la conservation de l'impulsion, et de la conservation de l'énergie.
Menant à :
Additionnant (1') et (2'), modifiant (3') il vient :
D'où, par soustraction :
- 2pp'(1 − cosθ) = 2mc(p − p').
L'introduction de l'hypothèse quantique donne directement
et donc :
Remarque : l'effet Compton n'est bien sûr pas limité au couple photon-électron. Toute particule chargée électriquement est susceptible d'y être soumise ; cependant, l'effet est plus spectaculaire pour l'électron, la variation de longueur d'onde étant inversement proportionnelle à la masse de la particule (l'électron est la plus légère des particules chargées de l'Univers « ordinaire »).
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
- Arthur Compton
- Diffusion Rayleigh
- Rayon gamma
- Peter Debye
- Effet Sunyaev-Zel'dovich
- Walther Bothe
Portail de la physique – Accédez aux articles de Wikipédia concernant la physique. |