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Constantin-François Chassebœuf

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Armes de Constantin François de Chasseboeuf
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Armes de Constantin François de Chasseboeuf

Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais, comte Volney, dit Volney, né le 3 février 1757 à Craon en Anjou et mort le 25 avril 1820 à Paris, est un philosophe et orientaliste français. Il est considéré comme le précurseur des ethnologues, anthropologues et sociologues du XXe siècle.

Sommaire

[modifier] Origine

Il est né dans une famille enracinée dans sa province natale, qui de la condition de laboureurs, ont accédé à la notabilité de fonctions juridiques. Il perdit sa mère à l'âge de deux ans et fut élevé loin de son père, avocat distingué, avec qui il ne s'entendit jamais. Celui-ci ne voulut point lui laisser porter le nom de Chassebœuf, qui avait été pour lui-même une source de mille désagréments : il lui donna celui de Boisgirais, sous lequel le jeune Constantin-François fît ses études aux collèges d'Ancenis et d'Angers, et fut d'abord connu dans le monde ; plus tard, au moment de son départ pour l'Orient, Boisgirais quitta ce nom pour prendre celui de Volney[1], qu'il devait illustrer.

[modifier] La montée à Paris

Maître de ses actions à l'âge de dix-sept ans, et jouissant de onze cents livres de rente provenant de la succession de sa mère, il se rendit à Paris pour se livrer à l'étude des hautes sciences. Il se sentait de l'éloignement pour la profession d'avocat, que son père aurait désiré qu'il embrassât ; la médecine convenait davantage à son esprit observateur ; il parut d'abord s'y destiner, mais son génie spéculatif le portait à dédaigner la pratique. Il n'avait pas vingt ans qu'il se plaisait à pénétrer les secrets de la nature, et à découvrir les rapports qui peuvent exister entre le moral et le physique. Il s'adonnait en outre à l'étude de l'histoire et des langues anciennes.

[modifier] L'Egypte et la Syrie

Une succession de six mille livres lui étant échue, il résolut d'aller visiter l'Egypte et la Syrie. Prévoyant les fatigues et les dangers d'un tel voyage, il s'y prépara pendant une année entière, en habituant son corps aux plus violents exercices et aux plus rudes privations. Il se mit enfin en route à pied, avec un havre-sac sur le dos, un fusil sur l'épaule et six mille livres en or cachées dans une ceinture. Lui-même, dans la préface de son Tableau du climat et du sol des Etats-Unis d'Amérique, rend compte des impressions qu'il éprouvait.[2]

Arrivé en Egypte, il s'enferma pendant huit mois dans un couvent de cophtes pour y apprendre l'arabe. Dès qu'il fut en état de parler cette langue, commune à l'Egypte et à la Syrie, il parcourut ces deux contrées avec plus d'avantage que ne l'avait fait encore aucun voyageur.

Après une absence de près de quatre années, il revint en France, et publia sa relation sous le titre de Voyage en Egypte et en Syrie. Cet ouvrage, qui dès son apparition fit tomber les lettres moins véridiques de Savary sur l'Egypte, passa dès lors pour le chef-d'œuvre du genre.[3]

[modifier] Le vengeur d'Hérodote

Cette manière de voyager, et surtout de décrire ses voyages, était celle d'Hérodote, dont Volney avait si attentivement lu les ouvrages. Comme lui, il s'est attaché à joindre à la description des pays le récit des révolutions politiques qu'ils ont éprouvées.

Son Mémoire sur la Chronologie d’Hérodote soulève des discussions à l’Académie des inscriptions et lui ouvre les salons d’Helvétius.

Quelques personnes cependant, faisant à Volney la même injure que des érudits superficiels faisaient alors à l'historien grec, doutèrent de la fidélité de ses tableaux ; mais ce fut pour lui un bien beau triomphe lorsque, dix ans après, Français vinrent visiter en conquérants cette terre antique qu'il avait parcourue sans compagnon, sans armes, sans appui. Tous reconnurent dans Volney un observateur exact, éclairé, un guide sûr et le seul qui ne les ait jamais trompés[4]. Alors disparurent tous les doutes ; et l'on put, sans être taxé de prévention, regarder Volney comme Je continuateur d'Hérodote ; on peut ajouter, son vengeur. En effet, il réhabilita la gloire de cet historien en rectifiant les faux jugements qu'on en avait portés.

Avant d'avoir subi cette glorieuse épreuve, le Voyage en Egypte et en Syrie avait valu à son auteur le suffrage de l'impératrice Catherine II de Russie, qui lui envoya une médaille d'or en témoignage de sa satisfaction ; c'était en 1787.

[modifier] L'athéisme matérialiste

C'est sa santé fragile qui l'avait incité à faire médecine. Il se lie ainsi d'amitié avec Cabanis chez la veuve d'Helvétius à Auteuil, où il rencontre Condorcet et Franklin, puis chez d’Holbach, où il voit Diderot. Tout ceci le confirme dans son athéisme matérialiste ; il est étranger à toute sensibilité religieuse. On a dit qu'il était un des ces « jansénistes laïques dont la France abonde. »

[modifier] La Turquie, la Russie

En 1788, Volney fit paraître des Considérations sur la guerre des Turcs avec les Russes. Les connaissances positives qu'il avait acquises dans son voyage le servirent heureusement dans cet écrit politique : il y prouva que, s'il avait bien vu par lui-même l'empire ottoman, il avait eu de bons mémoires sur les ressources de la Russie. Les événements ont réalisé presque toutes ses prévisions sur les accroissements de cette puissance. Il parlait aussi de la réunion des Etats de Venise à l'empire d'Autriche. Il n'oubliait pas non plus les intérêts de la France dans cette grande querelle, et s'arrêtait surtout au projet de s'approprier l'Egypte pour contre-balancer l'agrandissement de la Russie et de l'Autriche ; mais il y voyait de nombreux obstacles[5]

C'était, dix ans d'avance, faire l'histoire de l'expédition d'Egypte. Aussi quand Volney fit réimprimer ses Considérations, en 1808, cet écrit obtint le même succès que dans sa nouveauté. On lui avait reproché vivement de n'avoir pas prévu le dangereux ascendant que l'expulsion des Turcs de l'Europe donnerait à la Russie. Ce fut là le principal argument que fit valoir contre lui le diplomate Peyssonnel dans son Examen critique des Considérations sur la guerre des Turcs. La diplomatie européenne savait fort mauvais gré à Volney de certaines révélations qui pouvaient passer alors pour indiscrètes ; aussi parodia-t-on le titre de sa brochure en l'appelant Inconsidèrations.

[modifier] Le publiciste

Il publie à Rennes (1787-1788), en société avec M. de Monsodive, une feuille politique, intitulée La Sentinelle ; il est collaborateur du Magasin encyclopédique et de la Revue encyclopédique.

[modifier] La Corse

Depuis son retour en France, guidé par ce désir d'être utile qui fut le mobile de toute sa vie, Volney aperçut tout ce qu'on pouvait faire pour perfectionner l'agriculture dans l'île de Corse ; mais il savait que chez les peuples dominés par d'anciennes habitudes il n'y a d'autre démonstration, d'autre moyen de persuader que l'exemple. Il avait résolu d'acheter un domaine dans ce pays, et de s'y livrer à des expériences sur toutes les cultures qu'il croyait pouvoir y naturaliser, telles que la canne à sucre, l'indigo, le coton, le café, etc. L'utilité de ses vues engagea le gouvernement français à le nommer directeur de l'agriculture et du commerce de cette île ; mais d'autres fonctions le retinrent dans sa patrie.

[modifier] La Révolution française

[modifier] Député du Tiers-Etat

Il est député du tiers état de la sénéchaussée d'Anjou aux États généraux de 1789, dont il devient secrétaire, puis à l'Assemblée Constituante.

[modifier] Le parlementaire

Sur une observation que fit Goupil de Préfeln, il s'empressa de donner sa démission de la place qu'il tenait du gouvernement (29 janvier 1790), professant cette maxime qu'on ne peut être mandataire de la nation et dépendant par un salaire de ceux qui l'administrent. A la tribune de l'assemblée constituante, Volney se montra ce qu'il avait paru dans ses ouvrages, ce qu'il devait être dans toutes les circonstances de sa vie politique, sous l'anarchie populaire, sous l'empire, comme après la restauration : ami prononcé des libertés publiques, sectateur des idées nouvelles, ennemi de tous les cultes établis, mais ennemi des excès populaires.[6]

Toutefois, il faut convenir qu'avant d'avoir vu les crimes de 1793, Volney se montra, dans l'assemblée constituante, l'adversaire zélé, de ce qui tenait à l'ancien régime [7]

Ses premières paroles dans l'assemblée furent pour combattre l'opinion de Malouet qui avait proposé de se former en comité secret, afin de ne point délibérer devant des étrangers. Volney releva cette expression d'étrangers comme injurieuse aux citoyens, aux frères qui les avaient nommés députés et en général il se prononça contre toute espèce de délibération secrète. Il fut un des premiers à provoquer l'organisation des gardes nationales et la division de la France en communes et en départements.

[modifier] Secrétaire de l'Assemblée

Il fut nommé secrétaire le 23 novembre 1790. Dans les débats qui s'élevèrent lorsqu'on agita la proposition d'accorder au roi l'exercice du droit de paix et de guerre, Volney se déclara pour la négative et finit par proposer l'article suivant, qui fut adopté :

« La nation française s'interdit dès ce moment d'entreprendre aucune guerre tendant à accroître son territoire. » 

. Lors de la discussion sur la vente des domaines nationaux, Volney publia, dans le Moniteur, quelques réflexions, dans lesquelles, envisageant la question sous le point de vue politique, il établissait les avantages de la division des propriétés.

Son intime liaison avec Cabanis lui procura des rapports fréquents avec Mirabeau, qui, dans une discussion relative au clergé, dut à Volney son mouvement oratoire si fameux sur la fenêtre de Charles IX.[8]

On doit à Volney la justice de rappeler qu'il s'aperçut bientôt que l'effervescence de la majorité allait trop loin, et que même il s'efforça de la réprimer. A la fin d'une des séances les plus orageuses, il fit la motion de convoquer les assemblées électorales, afin qu'elles procédassent à une nouvelle nomination de députés. Il motiva cette proposition sur ce que les membres d'une autre assemblée, n'ayant point pris part aux premières discussions, seraient moins animés les uns contre les autres, et qu'il leur serait ainsi plus facile de ramener lés Français à des sentiments d'union et de paix. Cette motion, d'abord accueillie avec enthousiasme, fut écartée par l'ordre du jour.

Au milieu de ses travaux législatifs, Volney concourut, en 1790, pour un prix qu'avait proposé l'Académie des inscriptions sur la Chronologie des douze siècles antérieurs au passage de Xerxès en Grèce ; et, quoique aucun autre ouvrage n'eût été envoyé, il n'obtint pas le prix ; mais son Mémoire fut inséré par Naigeon dans le Dictionnaire d'antiquités de l'encyclopédie méthodique.

[modifier] Les Ruines, ou Méditations sur les révolutions des empires

Au mois de septembre 1791, Volney fit hommage à l'assemblée de son livre intitulé les Ruines, ou Méditations sur les révolutions des empires. L'idée première de cet ouvrage avait été conçue dans le cabinet de Franklin. L'auteur se met en scène sur les ruines de Palmyre ; et là il se livre à de profondes méditations sur la destruction de tant d'empires à qui leur puissance colossale semblait promettre une éternelle durée, et qui n'en ont pas moins obéi à cette loi de la nature qui veut que tout périsse.

Dans ce même ouvrage, Volney établit la nécessité de la tolérance religieuse, reconnue aujourd'hui par tous les esprits éclairés. Lorsque ensuite il parle de la diversité des opinions religieuses, si opposées en apparence ; quoiqu'elles semblent, selon lui, toutes dérivées d'une même source, on s'aperçoit que le livre de l'Origine des cultes, par Dupuis, quoique encore inédit, était parfaitement connu de Volney ; car il abonde dans les idées hiéro-astronomiqiies de cet écrivain, qui n'a fait que renouveler, pour les ériger en système, des données qui se trouvent dans le livre des Saturnales de Macrobe.

Enfin, l'on a reproché à l'auteur des Ruines d'avoir attribué aux différentes religions des caractères auxquels leurs sectateurs ne les reconnaîtraient pas toujours. Les Ruines n'en passent pas moins pour une des productions les plus remarquables de la littérature moderne du XIXe siècle.

[modifier] Baron de Grimm

Après la clôture de la session, Volney fit une démarche qui lui attira les éloges du parti dominant et les sarcasmes dit parti contraire. L'impératrice Catherine s'étant déclarée l'ennemie de la France, il renvoya au baron de Grimm la médaille d'or qu'il avait reçue de cette princesse cinq ans auparavant.

« Si je l'obtins de son estime, je la lui rends pour la conserver, disait-il dans la lettre qui accompagnait le renvoi » 

Grimm lui adressa de Coblentz (1er janvier 1792) une réponse toute remplie de sarcasmes d'injustes personnalités, et écrite d'un style tellement piquant qu'on a pu l'attribuer à Rivarol[9].

[modifier] La Corse en 1792

En 1792, il accompagna Pozzo di Borgo en Corse ; où il était appelé par des habitants qui y exerçaient une grande influence, et qui invoquaient le secours de ses lumières. Il espérait y réaliser, comme simple particulier, les projets d'amélioration agricole que quatre as auparavant il s'était flatté d'y opérer comme administrateur. Il fit faire, à ses frais, des essais de culture dans le domaine de la Confina, qu'il avait acheté près d'Ajaccio ; et tout promettait a ses efforts les plus heureux résultats, lorsque les troubles que Pascal Paoli suscita, dans, cette île obligèrent Volney à s'éloigner. Son domaine, qu'il appelait ses Petites-Indes, fut mis à l'encan par ce même Paoli, qui lui avait donne naguère les assurances de son amitié.

Pendant son séjour en Corse, Volney fit la connaissance de Napoléon Bonaparte, qui n'était encore qu'officier d'artillerie.[10]

À son retour à Paris, au mois de mars 1793, Volney eût à satisfaire aux questions du conseil exécutif et du comité de défense générale sur les moyens militaires et sur les dispositions politiques des habitants de la Corse. Il méditait une description complète de cette portion, intéressante et trop peu connue de la France, et dès lors il publia dans le Moniteur du 20 et du 31 mars, un Précis de l'état de la Corse. Tout en faisant connaître là situation morale et politique de cette île ; il se plaignait, soit directement, soit par voie d'insinuation, de Paoli et de Salicetti, avec lesquels il ne s'était point trouvé d'accord pendant son séjour en Corse.[11]

[modifier] Catéchisme du citoyen français

Cependant il publia la Loi naturelle, ou Catéchisme du citoyen français (format in-16, 1793), un des meilleurs traités de morale qui aient été publiés dans aucune langue. Les idées en sont serrées, le style en est ferme et concis ; on y remarque ce choix sévère et cette propriété d'expressions dont les philosophes de l'école de Pascal et de Condillac ont donné l'exemple. Dans la collection des œuvres de Volney, le second titré de cet ouvrage important, malgré son peu d'étendue, a fait place à celui-ci : Principes physiques de la morale. En effet, l'auteur a su démontrer que la morale est une science, pour ainsi dire physique et matérielle, soumise aux règles et aux calculs des sciences exactes, et qu'elle n'a d'autre but que la conservation et le perfectionnement de l'espèce humaine.

Un biographe a dit que ce fut pour prouver qu'il n'était point digne de la qualification d'hérétique que Volney, à son retour de Corse, publia ce petit ouvrage. Il est plus juste d'observer que cette production n'établit rien ni pour ni contre la catholicité de Volney ; mais elle prouve du moins qu'il n'était point athée, car le premier caractère qu'il reconnaît à la loi naturelle est d'être « l'ordre constant et régulier par lequel DIEU régit l'univers ».

[modifier] La Terreur de 1793

Une inculpation bien autrement dangereuse ne tarda pas à l'atteindre. Tous les hommes honorables qui, dans l'assemblée constituante, avaient secondé de leurs vœux et de leurs efforts l'établissement d'un nouvel ordre de choses, avaient fini par ouvrir les yeux sur les conséquences d'une révolution aussi mal comprise d'abord par ses auteurs que par ses adversaires.

Les uns avaient totalement changé de principes ; d'autres, plus constants dans leurs opinions, se contentaient de désapprouver les funestes conséquences qu'on en avait tirées. Volney fut du nombre : invariablement attaché aux doctrines qu'il avait émises en 1789, il aimait le régime républicain, il blâmait seulement la licence et les crimes de 1793.

Il osa se prononcer contre les événements du mai. Incarcéré alors comme royaliste, lui que naguère on avait accusé d'être un jacobin. Bien qu'ardent républicain, il est emprisonné à La Force pendant la Terreur. Il parvient à se faire transférer à la pension Belhomme sous prétexte de maladie, puis dans celle de Picpus, dont il est libéré en septembre 1794, au bout d'un an.

[modifier] L'École Normale

A cette époque fut instituée cette école normale destinée à former des professeurs, à établir les meilleures méthodes et l'unité des doctrines (1794). Volney fut appelé à la chaire d'histoire ; et ses leçons, qui attiraient un immense concours d'auditeurs, sont devenues un des plus beaux titres de sa gloire littéraire. Ennemi de cet esprit de certitude qui, selon lui, est le plus grand obstacle aux progrès de toute science, il veut que l'esprit d'investigation le plus sévère préside aux recherches historiques ; il présente à cet égard des idées neuves et tout à fait justes ; mais les conditions qu'il exige pour établir une vérité sont si multipliées qu'il faut en conclure qu'il existe en histoire bien peu de vérités irréprochables. Personne ne contestera la vérité de cette assertion ; mais Volney donne évidemment, selon nous, dans le paradoxe lorsque, cherchant à ébranler le respect pour l'histoire, il prétend qu'elle est une des sources les plus fécondes des préjugés et des erreurs des hommes. C'était, il faut en convenir, une thèse assez hizarre que s'imposait un professeur d'histoire, que de prétendre ainsi qu'il n'y avait pas d'histoire. Toutefois ses leçons, qui ont été imprimées plusieurs fois, offrent d'utiles sujets de méditation, et les idées du professeur, dépouillées de leur absolutisme, peuvent conduire à des résultats positifs.

[modifier] L'Amérique

Forcé d'interrompre son cours par la suppression de l'école normale (1795), Volney, trop jeune encore pour se condamner au repos (il avait à peine trente-huit ans), résolut d'aller visiter les Etats-Unis, et y observer avant Tocqueville, une véritable expérience de la liberté. Lui-même nous fait connaître dans quelle disposition d'esprit il entreprit ce grand voyage. Après avoir rappelé les sentiments de bonheur, d'espérance et de gloire qui l'animaient en 1783, lorsqu'il partit pour l'Orient[12]

Ces tristes pressentiments ne se réalisèrent pas d'abord celui qui avait été l'ami de Franklin ne pouvait être reçu avec indifférence par Washington, qui donna publiquement à Volney d'honorables marques de sa confiance et de son amitié.

Il n'en fut pas de même de John Adams qui fut élu, en 1797, président des Etats-Unis. L'auteur des Ruines avait critiqué franchement le livre de la Défense des constitutions des Etats-Unis, que ce magistrat avait publié quelques mois avant sa promotion.[13]

En effet, le président du congrès ne se piqua point d'oublier les injures du publiciste américain ; et Volney, qui avait pris la résolution de se fixer aux Etats-Unis, se vit obligé de les quitter au printemps de 1798. Une épidémie d'animosité s'était élevée contre les Français, comme il le dit lui-même, et tout faisait prévoir une rupture ouverte entre les deux républiques.[14]

II est à remarquer qu'alors même que Volney se trouvait en butte aux persécutions au congrès relativement à l'occupation de cette contrée, il était exposé à l'animadversion des diplomates français, qui lui reprochaient de professer l'opinion que la Louisiane ne convenait sous aucun rapport à la France.

Il avait eu également une querelle littéraire à son arrivée dans cette Amérique, où il n'avait été que pour chercher la paix. Le docteur Priestley, qui était alors dans ce pays, avait publié un pamphlet intitulé Observations sur les progrès de l'infidélité, avec des remarques critiques sur les écrits de divers incrédules modernes, et particulièrement sur les Ruines de M. de Volney. Il avait même adressé à celui qu'il attaquait ainsi sa brochure, accompagnée d'un billet d'envoi ; procédé qui plaçait Volney dans la nécessité de répondre. Priestley avait traité son antagoniste d'athée, d'ignorant, de Chinois et d'Hottentot. Le savant français sut conserver dans sa défense tous les avantages que lui donnaient les torts du théologien anglais ; il n'opposa aux grossièretés de celui-ci qu'une froide ironie, tempérée par l'urbanité française et soutenue par le langage de la raison. Il refusa d'ailleurs le cartel théologique que lui avait offert le docteur[15]

[modifier] Le retour en France

A son retour en France, Volney se hâta de renoncer à la succession de son père, qui venait de mourir, en faveur de sa belle-mère, pour laquelle il avait toujours eu les sentiments d'un fils. En son absence, il avait été nommé par le Directoire le 6 décembre 1795 membre de l’Institut dans la classe des Sciences morales et politiques qui venait d'être formé ; et, jusqu'au rétablissement de l'Académie française, il se trouva associé à la classe des sciences morales et politiques, section de l'analyse des sensations et des idées.

[modifier] Le 18 brumaire et Bonaparte

Au 18 brumaire, il seconda de tous ses efforts les résultats de cette journée. On peut croire même qu'il fut du nombre des personnages qui préparèrent cette révolution ; il était alors fort lié avec le général Bonaparte. C'était lui qui, au commencement de l'année 1794, avait détourné le futur empereur, alors privé de son grade, d'aller chercher du service soit en Turquie, soit en Russie. Bonaparte avait tout tenté pour être réintégré : rien n'avait réussi.

Volney le fit trouver à déjeuner chez lui avec Laréveiilère-Lépeaux : la conversation de Bonaparte frappa ce député, qui le présenta le lendemain au directeur Barras, par la protection duquel l'officier destitué recouvra son grade. Après le 18 brumaire, Bonaparte, qui ne se montra jamais ingrat, eut la pensée de se donner Volney pour collègue dans le consulat ; mais ce dernier n'accepta point, li refusa de même le ministère de l'intérieur, et se laissa seulement nommer sénateur. Partisan éprouvé d'une liberté sage, l'auteur des Ruines ne se sentait pas disposé à devenir le second, encore moins l'instrument du nouveau dominateur.

La dissidence de leurs opinions éclata principalement à l'occasion du clergé, auquel le premier consul se préparait à rendre une partie de son influence. Quelque temps après, Volney, dans un conseil secret, ne se prononça pas moins fortement contre l'expédition de Saint-Domingue, dont il prévoyait tous les désastres. Il ne tarda point à s'apercevoir que son austère franchise déplaisait et qu'on ne l'accueillait plus aux Tuileries avec la même cordialité ; mais il ne s'en inquiéta point. Enfin, lorsque Bonaparte voulut échanger la dignité consulaire contre la couronne impériale, l'austère sénateur se permit de lui dire que mieux vaudrait ramener les Bourbons. Il envoya même sa démission de membre du sénat ; mais cette démission, qui fit tant de bruit en Europe, ne fut point acceptée. Cédant aux sollicitations affectueuses du nouveau souverain, obéissant d'ailleurs à un sénatus-consulte qui portait que le sénat ne recevrait la démission d'aucun de ses membres, Volney continua de siéger dans cette assemblée ; mais il fit constamment partie, avec Lanjuinais, Cabanis, Destutt de Tracy, Collaud, Garat, etc., de cette faible minorité qui s'opposait vainement à ces sénatus- consultes oppresseurs, votés avec tant de servilité.

[modifier] L'Empire

[modifier] Le Sénat impérial

Il est Vice-Président du Sénat Impérial, où il s'oppose à la politique de Bonaparte et à son Concordat. Il forme avec d'autres « idéologues » l'opposition à l'empereur, qui l'honore cependant et lui concède le titre de comte d'empire. Napoléon affectait de parler avec dédain des sénateurs dissidents, et les appelait idéologues, hommes spéculatifs, sans aucune connaissance des affaires. Volney se laissa aussi décorer du titre de comte et de commandeur de la Légion d'honneur ; mais, peu touché de tous ces honneurs, en quelque sorte obligés, il se livra plus que jamais à ses études chéries.

[modifier] Les études

Il donne sa démission de sénateur, et se retire de la scène politique sous l'Empire. Il est de la classe de Langue et de Littérature françaises à l’organisation de 1803 ; on lui attribue le fauteuil de l’abbé de Radonvilliers.

[modifier] Tableau du climat et du sol des Etats-Unis d'Amérique

En 1803, il publia le Tableau du climat et du sol des Etats-Unis d'Amérique. Là se trouve tracé de main de maître le plan topographique de cette vaste région ; cette peinture est à la fois sévère et brillante ; l'exposition du système des vents est admirable par la vérité originale des observations, comme sous le rapport du style. On peut en dire autant de la description du saut de Niagara..

L'étude que l'auteur avait faite de la médecine lui donne l'avantage de pouvoir, en observateur profond, juger du climat, analyser les propriétés de l'air et tracer en quelque sorte la statistique médicale de ce pays. Là, comme dans son Voyage en Orient, Volney n'entretient jamais le lecteur de ses aventures personnelles. Ce n'est pourtant qu'en bravant bien des dangers qu'il avait parcouru les sombres forêts de l'Amérique ; et les personnes qui ont vécu dans l'intimité de cet illustre voyageur lui ont entendu raconter à ce sujet des particularités qui n'eussent pas manqué d'ajouter à l'intérêt de ses relations.

Ce n'est que dans quelques-unes de ses préfaces qu'il lui arrive parfois de parler de lui. Celle de son Tableau des Etats-Unis offre surtout des détails précieux sur la persécution qu'il avait éprouvée dans cette république. On peut dire que, dans ce petit nombre de pages écrites sous l'inspiration de la conscience, il s'est en quelque sorte révélé à ses lecteurs : on y retrouve toute la noblesse de son âme.[16]

[modifier] Sous l'Empire

II se tint le plus souvent étranger, sous l'empire, au mouvement des affaires publiques et ne paraissait au sénat que très rarement. Il habitait, rue de la Rochefoucauld, une petite maison avec quelques toises de jardin ; mais ce réduit modeste convenait à la noble simplicité de ses habitudes. C'est là que, loin du faste et du bruit du grand monde, Volney n'était plus qu'homme de lettres. Il passait ses journées livré à l'étude là plus opiniâtre. L'examen et la justification de la Chronologie d'Hérodote, de nombreuses et profondes recherches sur l'histoire des peuples les plus anciens, occupèrent alors ce savant, qui avait observé leurs monuments et leurs traces dans les pays qu'ils avaient habités[17].

[modifier] La Chronologie

Volney a développé ses idées en chronologie dans plusieurs écrits publiés à différentes époques. On à vu plus haut qu'il s'en était occupé en 1790 ; il donna une nouvelle forme à son ancien travail sous le titre de Supplément à l'Hérodote de Larcher, Paris, 1808, mémoire où beaucoup de choses sont rassemblées en quatre-vingts pages. A l'aide des Tables chronologiques faites par Pingré, en faveur de l'Académie des inscriptiohs, pour dix siècles avant l'ère chrétienne, l'auteur fixe avec une précision rigoureuse à l'an 625 avant cette ère l'éclipse centrale de soleil qui, selon le récit d'Hérodote, fut autrefois prédite par Thalès[18]. L'analyse et le rapprochement de quelques passages de l'historien grec suffisent au critique pour désigner avec une égale certitude l'an 557 comme date précise de la prise de Sardes et de la chute de la monarchie lydienne. De ces deux dates bien constatées découle aisément toute la chronologie des rois mèdes et des rois lydiens. La démonstration paraît sans réplique, à en juger par là réponse même qu'y a faite Larcher. Forcé de défendre Hérodote contre ce commentateur, c'est en y regardant de bien près que l'auteur du Supplément nous fait voir une extrême clarté dans cette même série chronologique, où Larcher n'avait aperçu que des ténèbres. Heureux Voïnëy, s'il se fût abstenu d'inconvenantes personnalités contre cet académicien dont il avait à se plaindre !

Il continua le même travail sur l'ouvrage entier d'Hérodote ; et, l'année suivante (1809), il publia sur ce sujet une nouvelle dissertation ayant pour titre : Chronologie d'Hérodote. Ces deux ouvrages, réunis par l'auteur dans le second tome de ses Recherches nouvelles sur l'histoire /ancienne, furent réimprimés en 1814 (2 vol. in-8°), sans autre changement que la suppression de quelques personnalités contre le savant Larcher, envers lequel Volney ne se montra pas plus juste que Larcher lui-même ne l'avait été envers lui.

[modifier] Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne

Les Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne se composent encore de l'examen des antiquités de la Perse, de la Judée, de la Babylonie, etc. Volney attaque ouvertement le témoignage des Livres saints, et les discute avec autant de liberté que les sources de l'histoire profane. Son zèle hasardeux pour le déplacement absolu des vénérables basés de l'histoire du monde à suggéré des idées originales, et qui pourraient devenir des moyens pour arriver à des modifications relatives.

[modifier] Le linguiste

La même observation s'applique à ses immenses travaux sur la simplification des langues orientales, sujet important qui avait déjà occupé le génie de Leibniz. Partant de cette vérité, que les différents signes du langage doivent représenter les différents sons, Volney avait conçu le projet d'un alphabet unique. Le moyen consistait à ajdùtëf un petit nombre de signes indispensables à l'alphabet romain et à lui assujettir les langues de l'Asie. Cette unité alphabétique était déjà, pour les étudier, une difficulté de moins : Volney voulait, en outre, appliquer aux idiomes orientaux une partie des notions gramaticales que nous avons acquises sur les langues européennes ; En facilitant ainsi l'étude des langues asiatiques, il avait en vue de faciliter les rapports commerciaux. C'était déjà une grande vue politique ; mais il cherchait encore dans l'étude analytique de ces langues un nouveau moyen pour remonter jusqu'à l'origine des peuples les plus anciens. Il prétendait, d'après les divers caractères de leurs idiomes, juger de leurs connaissances en morale, en législation, en littérature ; car les signes qu'un peuple admet dans son langage sont nécessairement ceux de ses idées. Il n'appartient qu'aux personnes versées dans les langues orientales d'apprécier sous le rapport technique la possibilité et les avantages de ce système.

De graves objections ont été adressées par des orientalistes, tels que Langles et Silvestre de Sacy, à Volney, qui leur a répondu par des critiques assez vives ; mais il a eu pour lui le suffrage peu équivoque de l'académie de Calcutta, qui, laissant à part les passions des gouvernements, l'inscrivit au nombre de ses membres, en 1798, au plus fort de la lutte entre la France et l'Angleterre.

Volney a développé son système dans quatre ouvrages ; le premier, intitulé Simplification des langues orientales, ou Méthode nouvelle et facile d'apprendre les langues arabe, persane et turque avec des caractères européens, fut publié en 1795. L'épigraphe, tirée de la Cité de Dieu de Saint-Augustin, donne une idée suffisante de l'objet du livre :

« La diversité des langues, a dit ce Père de l'Eglise, est un mur de séparation entre les hommes ; et tel est l'effet de cette diversité, qu'elle rend nulle la conformité parfaite d'organisation qu'ils tiennent de la nature. » 

. Le discours préliminaire passe pour un modèle de style. Volney, dont l'esprit étendu envisageait toutes les questions sous les rapports les plus élevés, y prédisait dès lors la subversion totale du système colonial de l'Europe, l'affranchissement de toute l'Amérique et la formation de nouveaux Etats destinés à rivaliser avec les anciens sur l'océan Atlantique.

Dix ans après, il fit paraître dans divers recueils un Rapport fait à l'académie celtique sur l'ouvrage russe de M. le professeur Pallas : Vocabulaires comparés des langues de toute la terre, Paris, 1805. Ce rapport a pour but de prouver que le Vocabularia totius orbis, composé par ce savant d'après l'ordre de l'impératrice Catherine, ne peut servir de vocabulaire universel, l'alphabet russe étant trop incomplet pour cet usage, et qu'un alphabet universel est encore à trouver. A ce rapport, Volney fit succéder, quatorze ans plus tard, un travail bien autrement important pour la simplification des langues : l' Alphabet européen appliqué aux langues asiatiques, ouvrage élémentaire utile à tout voyageur en Asie (Paris, 1819). Dans son épître dédicatoire à l'académie de Calcutta, l'auteur entre dans des détails pleins d'intérêt sur les efforts qu'il lui a fallu faire et sur les obstacles qu'il a dû vaincre pour faire prévaloir son système. Enfin, il avait achevé de le développer dans un ouvrage qui parut en 1820, quelques mois après sa mort, mais dont il avait revu toutes les épreuves. Ce livre a pour titre l'Hébreu simplifié, un vol. in-8°.

Pour compléter la liste des différents écrits de ce savant sur l'étude des langues, nous citerons encore :

  1. Vocabulaire de la langue des Miamis (peuple sauvage de l'Amérique), qui fait suite au Tableau du climat et du sol des Etats-Unis ;
  2. Discours sur l'étude philosophique des langues, lu à l'Académie française dans une séance particulière deux Lettres à M. le comte Lanjuinais sur l'antiquité de l'alphabet phénicien (1819) ;
  3. Vues nouvelles sur l'enseignement des langues orientales, imprimées pour la première fois en

dans le huitième volume des oeuvres complètes de Volney. On voit par les dates de ces ouvrages que l'idée de rapprocher des nations séparées par des distances immenses et par des idiomes si divers n'avait pas cessé de l'occuper pendant vingt-cinq ans. Il a craint même que ses essais, dont il avait entrevu l'utilité, ne fussent interrompus après lui ; et, de la main glacée dont il corrigeait son dernier ouvrage, il a tracé le testament par lequel il fondait un prix annuel de douze cents francs pour la continuation de ses travaux.

Etre utile aux hommes par les progrès de la science, telle fut la pensée de toute sa vie, qu'on a si bien caractérisée en disant qu'elle fut à la fois nomade et encyclopédique. Eh effet, la plupart de ses ouvrages offrent la réunion bien rare de l'utilité pratique et d'une conception originale. On doit encore mettre de ce nombre ses Questions de statistique à l'usage des voyageurs, dressées en 1795, sous les auspices du gouvernement français, pour guider dans leurs observations les agents diplomatiques ; elles ont été réimprimées en 1813.

[modifier] La Restauration

Volney avait adhéré, le 1er avril 1814, à la déchéance de l'empereur, dont il prévoyait depuis longtemps la chute ; il se trouva, le 4 juin suivant, appelé à la pairie par Louis XVIII. Il ne fut point au nombre des pairs nommés par Napoléon Ier pendant les Cent-jours ; aussi continua-t-il, après il seconde restauration, de siéger dans la chambre héréditaire. Il ne parut jamais à la tribune, la faiblesse de son organe ne le lui permettant pas ; mais, dans ses votes, il se montra fidèle aux principes qu'il avait professés toute sa vie.

Au reste, la dignité dont il était revêtu ne laissa pas de donner une importance toute particulière à un ouvrage qu'il publia en 1819, lorsqu'il fut un moment question du sacre de Louis XVIII. Ce livre, à la fois d'érudition et de circonstance, avait pour titre : Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois, suivie d'une série de questions de droit public sur la cérémonie de l'onction royale. L'auteur, discutant le Livre de Samuel avec la plus grande liberté, représente Samuel comme un imposteur, Satil comme l'aveugle instrument de l'ambition d'un prêtre et David comme un ambitieux. L'Histoire de Samuel produisit une grande sensation, et l'on prétend que le monarque, à qui Volnéy avait voulu adresser une leçon indirecte, lut cet ouvrage avec plaisir.

Intolérant seulement envers le catholicisme, que lui-même accusait d'intolérance, Volney ne portait plus d'ailleurs dans ses principes politiques aucune exagération. Depuis longtemps il avait reconnu le danger des opinions absolues ; sa conduite au 18 brumaire et la docilité avec laquelle il se soumit au sénatus-consulte qui rejeta sa démission l'avaient assez prouvé.

Dans ses dernières années, un de ses amis le félicitait sur sa lettre à Catherine II :

« Et moi je m'en suis repenti, dit-il avec la sincérité d'un vrai philosophe. Si, au lieu d'irriter ceux des rois qui avaient montré des dispositions favorables à la philosophie, nous eussions maintenu ces dispute sitions par une politique plus sage et une conduite plus modérée, la liberté n'eût pas éprouvé tant d'obstacles, ni coûté tant de sang. » 

[modifier] La fin

Tombeau de Volney, Père-Lachaise, Paris
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Tombeau de Volney, Père-Lachaise, Paris

Guère porté sur le beau sexe, il épouse dix années avant sa mort, sur le tard une cousine mademoiselle de Chassebœuf avec qui il vivra « dans une entente polie. » Cette union entre eux avait été projetée dès leur jeunesse ; mais la vie errante de Volney y avait mis obstacle, et mademoiselle de Chassebœuf avait contracté un autre mariage. Quand elle devint veuve, Volney offrit à sa cousine sa fortune et sa main.

Il avait à peine 63 ans lorsqu'il mourut, le 26 avril 1820 ; mais une maladie de vessie qu'il avait contractée en parcourant les sables de l'Orient et l'étude opiniâtre à laquelle il s'était livré toute sa vie l'avaient vieilli de bonne heure.

Son caractère, naturellement grave et sérieux, avait pris, dans ses dernières années surtout, une teinte morose et misanthropique. Cependant il conserva jusqu'à la fin cette sensibilité d'âme qui paraît encore plus précieuse lorsqu'elle s'allie à des manières brusques et sévères. Accoutumé à ne rien dépenser pour lui-même, il devenait prodigue lorsqu'il s'agissait de secourir le mérite indigent et de contribuer, par des sacrifices pécuniaires, aux progrès de la science. Depuis son mariage, il avait dû renoncer à sa modeste habitation de la rue de la Rochefoucauld. Il fit l'acquisition d'un hôtel situé rue de Vaugirard, remarquable surtout par l'agrément d'un jardin fort étendu. Il dépensa des sommes considérables à l'embellissement de ce séjour, non que l'état de sa santé lui promît d'en jouir longtemps, mais, comme il le disait à ses amis, c'était pour lui un bonheur de se donner des soins pour le plaisir d'une épouse destinée à lui survivre. Ses obsèques, qui eurent lieu à Saint-Sulpice, furent honorées des cérémonies de cette religion dont il avait si souvent attaqué les dogmes et dont il ne réclama point les consolations il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Laya, directeur de l'Académie, prononça sur le cercueil les paroles d'un sage ; le beau caractère du défunt y était parfaitement apprécié. Trois mois après (20 août 1820), l'éloge de Volney fut fait devant l'Académie par de Pastoret, son successeur. La réponse de Laya, directeur, se distingue encore par le talent et par la franchise avec lesquels il juge et la personne et les principaux ouvrages de l'auteur des Ruines.

Daru, exécuteur testamentaire de Volney, avait prononcé son éloge le 20 juin précédent au sein de la chambre des pairs. Cet éloge a été inséré dans le Moniteur, dans la Revue encyclopédique, puis réimprimé en tête de l'édition in-18 des Ruines, et traduit en anglais et en espagnol[19].

Son tombeau, une pyramide, se trouve au cimetière du Père-Lachaise (division 41) à Paris. Il a été gravé plusieurs portraits ressemblants de Volney ; le meilleur est celui d'Alexandre Tardieu, d'après un très beau buste par David.

Le Prix Volney est décerné par l'Institut de France sur proposition de l'Académie des inscriptions et belles-lettres à un ouvrage de philologie comparée.

[modifier] Notes et références

  1. Contraction de Voltaire et de Ferney
  2. « Lorsqu'on 1783, dit-il, je partais de et Marseille, c'était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi qu'inspiré la jeunesse. Je quittais gaiement un pays d'abondance et de paix !, pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d'employer le temps d'une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d'un genre neuf, et à embellir par elles le reste de ma vie d'une auréole de considération et d'estime. » 

  3. Dans ses descriptions, dans ses récits, Volney s'éloigne des sentiers battus :

    « II ne dit point par où il a passé, ce qui lui est arrivé, quelles impressions il a éprouvées. Il évite avec soin de se mettre en scène ; c'est un habitant des lieux, qui les a longtemps et bien observés, qui vous décrit l'état physique, politique et moral. L'illusion serait complète, si on pouvait supposer dans un vieil Arabe toutes les connaissances, toute la philosophie des Européens qui se trouvent réunies à la maturité dans un voyageur de vingt-cinq ans. Notice sur Volney, par Duru. » 

  4. Relation de l'expédition d'Egypte, parle général Berthier.
  5. « D'abord, dit-il, il faudra soutenir trois guerres ; la première, de la part de la Turquie.... la seconde, de la part des Anglais.... la troisième enfin, de la part des naturels de l'Egypte, et celle-là, quoique en apparence la moins redoutable, serait en effet la plus dangereuse.... Si des Francs osaient y débarquer, Turcs, Arabes, paysans s'armeraient contre eux ; le fanatisme tiendrait lieu, d'art et de courage. » 

  6. S'il maudit le despotisme

    « dans un seul, il ne lui fait pas plus de grâce lorsqu'il le signalé dans plusieurs. En cent endroits, il manifeste son aversion pour la licence et pour les excès des révolutionnaires, dont il fut aussi la victime. Nous le voyons, livrer différents genres de combats aux sanguinaires novateurs de 1793 : ici, avec l'arme du sarcasme et de l'ironie, il attaque ces insensés qui voulaient appliquer à une population de trente millions d'hommes les codes oligarchiques d'Athènes et de Lacédémone là, il se contente de lancer sur eux ce trait original et pénétrant : modernes Lycurgues, vous parlez de pain et de fer : le fer des piques ne produit que du sang, on n'a de pain que par le fer des charrues. Discours de Laya, cité ci-après. » 

  7. Pour les spirituels auteurs de la Galerie des états généraux (voir : Champcenetz).

    « II a les formes brusques, l'âme franche, la physionomie ouverte, le caractère décidé, le cœur sensible, disent-ils. 0 nature, pourquoi t'es-tu arrêtée en si beau chemin ? Pourquoi ne pas joindre à tant de bienfaits un coup d'oeil plus sûr, un esprit plus juste ? » 

  8. Vingt députés assiégeaient la tribune ; de ce nombre était Volney, tenant un discours à la main :

    « Montrez-moi ce que vous avez à dire, dit Mirabeau.... Cela est beau, sublime, ajouta-t-il après avoir parcouru le manuscrit ; mais ce n'est pas avec une voix faible et une physionomie calme qu'on tire parti de ces choses-là ; donnez-les-moi. » 

    . Volney y consentit, et Mirabeau fondit dans son éloquente improvisation le passage en question, qui produisit un si grand effet.
  9. C'est un point de fait que n'ose décider le savant bibliographe Barbier, dans l'avis qui précède la réimpression qu'il fit, en 1823 de cette réponse qui était devenue d'une extrême rareté. Il s'était abstenu de l'insérer dans le supplément qu'il avait donné de la Correspondance de Grimm.

    « Il répugnait à ma délicatesse, dit-il dans cet Avis, d'affliger un savant aussi recommandable que M. de Volney. Aujourd'hui qu'il n'est plus, je crois pouvoir compléter les opuscules de Grimm. M. de Volney laisse assez de titres à l'estime publique pour le venger des sarcasmes d'un ancien ami que les circonstances les plus extraordinaires avaient métamorphosé, en implacable ennemi. » 

    Barbier a également réimprimé la lettre de Volney. Une autre réponse satirique à cette lettre fut faite dans le temps sous le nom de Petroskoi.
  10. Il pressentit dès lors tout ce que pourrait devenir ce jeune ambitieux ; et, quelques années plus tard, ayant appris en Amérique que le commandement de l'armée d'Italie venait de lui être confié :

    « Pour peu que les circonstances le secondent, dit Vblhey en présence de plusieurs réfugiés français, ce sera la tête de César sur les épaules d'Alexandre. » 

  11. Bien qu'il se défende dans cet écrit de tout sentiment d'humeur et d'ambition mécontente, cette humeur perce dans chaque phrase. Voici au reste comment il termine ce précis :

    « Quant à l'admission au conseil du département, où l'intérèt national m'ordonnait d'arriver, l'on croira difficilement en France que j'aie de l'humeur d'avoir été repoussé d'un pays où les motifs publics de ma défaveur ont été de passer pour un hérétique, comme auteur des Ruines, et pour observateur à titre de Français. » 

    Mais Volney ne tarda pas à éprouver que, s'il était vainement tenter de chercher en Corse la paix agricole, il trouverait encore bien moins le calme nécessaire à l'homme de lettres dans la France alors livrée à tous les fléaux de l'anarchie.
  12. Iil continue ainsi :

    « Dans l'an 3. au contraire (1795), lorsque je m'embarquais au Havre, c'était avec le dégoût et l'indifférence que donnent le spectacle et l'expérience de l'injustice et de la persécution. Triste du passé, soucieux de l'avenir, j'allais avec défiance chez un peuple libre, voir si un ami sincère de cette liberté profanée trouverait pour sa vieillesse un asile de paix dont l'Europe ne lui offrait plus l'espérance. » 

  13. « J'avais, dit Volney lui-même, adhéré au jugement de l'un des meilleurs reviseurs anglais, qui, traitant ce livre de compilation sans méthode, sans exactitude de faits et d'idées, ajoute qu'il la croirait même sans but, s'il n'en soupçonnait un secret, et relatif au pays apologisé, que le temps seul pourra dévoiler. Or, en interprétant mon auteur, je prétendais que ce but était de capter, par une flatterie nationale, la faveur populaire et les suffrages des électeurs ; quand le fait eut vérifié la prophétie, le prophète ne fut pas oublié. » 

  14. « L'on me supposa, ajoute encore Volney, l'agent secret d'un gouvernement dont la hache n'avait cessé de frapper mes semblables ; l'on imagina une conspiration par laquelle j'aurais (moi seul Français) tramé, en Kentucky, de livrer la Louisiane au directoire qui naissait à peine), et cela quand des témoins nombreux et respectables.... pouvaient attester que mon opinion.... était que l'invasion de la Louisiane serait un faux calcul politique, etc. » 

  15. « parce que, disait-il, personne au monde n'a le droit de me demander compte de mes opinions religieuses.... parce qu'en supposant que j'aie l'opinion que vous m'attribuez, je ne veux pas engager ma vanité à ne jamais s'en dédire, ni m'ôter la ressource de me convertir un jour sur un plus ample informé » 

    . Cette lettre, datée de Philadelphie, 2 mars 1797, fut traduite en anglais sous les yeux de l'auteur et publiée dans cette ville la même année.
  16. Rappelant le succès éclatant de son Voyage en Syrie, il ajoute qu'il eût peut-être été plus prudent, plus habile à son amour-propre d'écrivain, de ne plus écrire dû tout ;

    « mais, ajoute-t-il, il m'a semblé qu'avoir bien fait un jour n'était pas une raison de ne rien faire lé reste de la vie ; et comme j'ai dû la plupart des consolations de l'adversité au travail et à l'étude, comme je dois les avantages de ma situation présente aux lettres et à la considération des bons esprits, j'ai désiré de leur rendre un dernier tribut de gratitude, un dernier témoignage de zèle. » 

  17. Notice sur Volney, par Daru... ,
  18. Voir l'article sur ce philosophe, par de Fortia, dont les idées en chronologie ont plus d'une fois modifié celles de Volney, avec lequel le voisinage et la Conformité d'études l'avaient mis en très fréquente relation depuis 1803.
  19. Jean-François Bodin, qui regarde Volney comme l'homme le plus illustre qu'ait produit l'Anjou sous le rapport littéraire, donne sur lui une notice étendue et huit de ses lettres inédites (Recherches sur Angers et le bas Anjou, chap. 39 et 40) ; mais il ne rendait pas la même justice à son caractère, ce qui donna lieu à une polémique dans le Journal des Débats, entre madame de Volney et M. Bodin, qui s'est pour ainsi dire rétracté en s'engageant à prendre de nouveaux renseignements (septembre 1823).

[modifier] Bibliographie

Nous avons indiqué tous les ouvrages de Volney, à l'exception de l' Etat physique de la Corse, publié pour la première fois dans l'édition de 1826, et qui est tout à fait indépendant du Précis de l'état actuel de la Corse.

Volney était collaborateur de la Revue encyclopédique. Il avait inséré plusieurs articles dans le Moniteur pendant la Révolution française, entre autres le procès-verbal de la prétendue Entrevue de Bonaparte et de plusieurs muphtis et imans dans l'intérieur de la grande pyramide. Cette supposition, qui mystifia beaucoup le Directoire, a induit en erreur plus d'un biographe de Napoléon (Moniteur du 7 frimaire an 7).

En 1788, Volney avait publié à Rennes une feuille intitulée la Sentinelle. Volney a été l'objet d'une appréciation intéressante de la part de M. Sainte-Beuve (Causeries du lundi, t. 7, p. 209-344).

  • Voyage en Syrie et en Égypte, pendant les années 1783, 1784 & 1785, Paris, 1785, 1787. Cette étude documentée fut utilisée par Bonaparte au cours de son expédition. 3e éd. avec des considérations sur la guerre des Russes et des Turcs, Paris, 1799, 1807, 1822, 1830.
  • Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, Londres, 1788. Édition originale de ce texte qui sera repris en 1799 dans la 3ème édition du Voyage en Syrie.
  • Des Conditions nécessaires à la légalité des États Généraux, Paris, 1788.
  • Lettre de M. C.-F. de Volney à M. le comte de S...t., Paris, 1788. On lit au bas de la première page la note suivante : « Pour l'intelligence de cette lettre, il faut être prévenu que l'auteur publia, au commencement de novembre, la brochire intitulée : Des Conditions nécessaires à la légalité des États Généraux, et que M. le comte de S..., depuis quelques jours y a répondu par une analyse, où sans réfuter l'ouvrage, il diffame la personne. »
  • Chronologie des douze siècles antérieurs au passage de Xercès en Grèce, 1790.
  • Les Ruines Ou Meditations Sur Les Revolutions Des Empires, Par M.Volney, Député a L'Assemblée Nationale De 1789, Genève, 1791. Première édition française : Paris, 1792, 3e éd.augmentée avec Le Catéchisme du Citoyen français, Paris, 1799. 5e éd. avec lLa Loi naturelle, Paris, 1817, 1820, 1821, 1822. L'ouvrage a été traduit en espagnol, en anglais, et presque dans toutes les langues de l'Europe ; il en existe une version arabe.
  • La loi naturelle ou Cathéchisme du Citoyen français, Grenoble, 1793. 2e éd., 1813. Petit manuel qui constitue un excellent traité de morale. À la suite, on trouve diverses chansons : hymne à la raison. Hymne patriotique (la Marseillaise). Chanson sur l'air de la carmagnole.
  • Précis de l'état actuel de la Corse (1793). Ce précis fait partie d'un plus grand ouvrage sur la Corse, non achevé, dont les fragments ont été recueillis dans ses Œuvres complètes.
  • Simplification des langues orientales, ou méthode nouvelle et facile. D'apprendre les langues arabe, persane et turque, avec des caractères européens, Paris, An III (1795)
  • Leçons d'histoire prononcées à l'École normale, en l'an III de la République française. Paris, 1799. 3e éd., 1822. Autre édition augmentée d'une leçon inédite, et suivie du Discours de Lucien sur la manière d'écrire l'histoire, Paris, 1826. Traduction en espagnol en 1827.
  • Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique Suivi d'eclaircissements sur la Floride, sur la colonie Francaise au Scioto, sur quelques colonies Canadiennes et sur les Sauvages, Paris, 1803. 2e éd. Paris, 1822.
  • Rapport fait à l'Académie Celtique sur l'ouvrage russe de M.le professeur Pallas. « Vocabulaires comparés des langues de toute la terre », Paris, 1805.
  • Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, Paris, 1808, 1813 et 1814. 2e éd. 1822. Il expose ses conceptions linguistiques et son idée d'appliquer un alphabet unique aux langues européennes et orientales.
  • Supplément à l'Hérodote de M.Larcher, Paris, 1808
  • Chronologie de Hérodote, conforme à son texte, en réfutation des hypothèses de ses traducteurs et de ses commentateurs, Paris, 1809, Bossange, 1821.
  • Questions de statistique à l'usage des Voyageurs, Paris, 1813
  • Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois ; fragment d'un voyageur américain. Paris, 1819, Bossange, 1820, 1822
  • L'alfabet européen appliqué aux langues asiatiques. Simplification des langues orientales. L'hébreu simplifié par le méthode alfabétique, Paris 1819, 1826.
  • Discours sur l'étude philosophique des langues, lu à l'Académie des sciences, Paris 1820. 2e édition revue et corrigée en 1820.
  • L'Hebreu simplifié, contenant un premier essai de la grammaire, et un plan du Dictionnaire, écrit sans lettres hébraïques, et cependant conforme à l'hébreu, avec des vues nouvelles sur l'enseignement des langues orientales, Paris, 1820. Ouvrage posthume.
  • Letter to Priestley, imprimé aux États-Unis
  • Lettres de M. de Volney à M. le baron de Grimm, suivi de la réponse de ce dernier (publié par Antoine Alexandre Barbier), Paris, 1823
  • Les ruines ou Meditation sur les revolutions des Empires. Précédé d'une notice par le comte Daru, Paris, 1826.
  • Œuvres choisies, précédées d'une Notice sur la vie de l'auteur (par Adolphe Bossange). Les ruines. - La loi naturelle. - L'histoire de Samuel, Paris, 1821, Nouvelle édition, Lebigre Frères, 1836. Une Notice sur la vie et les écrits de G.-F. Volney, par Adolphe Bossange, se trouve en tête de l'édition des Œuvres complètes de Volney, publiée chez Bossange, 8 vol. in-8°, Paris, nouvelle édition, mais moins complète, Paris, 1837, grand in-8°.
  • Œuvres complètes. Précédées d'une Notice sur la Vie et les Écrits de l'Auteur, Firmin-Didot, 1954.

[modifier] Source partielle

« Constantin-François Chassebœuf », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail édition]

[modifier] Liens externes

Wikisource propose un ou plusieurs textes de ou sur Constantin-François Chassebœuf dans le domaine public


Précédé par
Claude-François Lizarde de Radonvilliers
Fauteuil 24 de l'Académie française
1803-1820
Suivi par
Louis de Beaupoil de Sainte-Aulaire
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