Cité idéale
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La Cité idéale est une aspiration à la perfection architecturale, sociale (morale) et politique.
La réalisation d'une cité idéale est un des grands rêves des sociétés urbaines ou en voie d'urbanisation. Le terme pourrait sembler synonyme d'utopie si certaines de ces cités n'avaient été construites dans les faits. Il s'agit cependant de réalisations idéales au sens où, contrairement à la cité historique, qui se développe peu à peu selon les besoins, de façon organique et parfois anarchique, la cité idéale se conçoit avant de se construire.
Ainsi ces anciennes cités qui, n'ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues par succession de temps de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu'un ingénieur trace a sa fantaisie dans une plaine
(Descartes, Discours de la méthode, seconde partie)
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Sommaire |
[modifier] Antiquité et Moyen Âge
Dès l'antiquité, les hommes rêvent d'édifier une cité idéale comme en témoigne le mythe de la Tour de Babel[1]. Le sujet apparaît chez les philosophes grecs dans le contexte particulier de la cité-état, La République de Platon (-427 à -348 av. J.-C.) en étant le plus célèbre exemple. Or, de fait, dès le VIIe siècle av. J.-C., on note une tentative pour rationnaliser l'espace dans les villes nouvelles. Certaines colonies grecques comme Sélinonte[2] sont construites selon un plan à damier encore grossier, dit plan hippodaméen. Cette rationalisation de l'espace urbain, dont la paternité a longtemps été attribuée à Hippodamos de Millet (Ve siècle av. J.-C.), montre un souci de planification urbaine qui rejoint les préoccupations des philosophes. Hippodamos était lui aussi à la recherche de la république idéale[3], et on lui attribue le plan en damier du Pirée, ainsi qu'en -479 av. J.-C. la reconstruction de Milet, incendiée par les Perses. Dans sa Politique, Aristote se préoccupe de l'organisation sociale et urbanistique de la cité idéale, après avoir critiqué la République de Platon et les cités existantes. Organisation de l'espace, organisation sociale et organisation politique rationnelles sont les axes selon lesquels les philosophes pensent la cité idéale, à laquelle les architectes et les premiers urbanistes se sont déjà attaqués sur le terrain.
Dans l'Amérique pré-colombienne, un site comme celui de Teotihuacán atteste d'une démarche idéaliste analogue.
Le christianisme, lui, s'appuyant sur le texte de l'Apocalypse de Saint Jean, préfère offrir aux fidèles la promesse d'une cité future, la Nouvelle Jérusalem[4]. La cité idéale à laquelle les hommes doivent travailler, c'est La Cité de Dieu de Saint Augustin.
[modifier] De la Renaissance à la révolution
[modifier] Les utopies
L'organisation d'une cité ou d'une société idéale est un des grands thèmes de l'humanisme européen de la Renaissance. Dans le Songe de Poliphile, Francesco Colonna décrit une cité idéale sur l'île Cythérée. C'est aussi sur une île que Thomas More situe son Utopia (1516). François Rabelais (L’abbaye de Thélème)[5], Johann Eberlin von Günzburg, (Wolfaria, utopie protestante)[6], Francis Bacon (La nouvelle Atlantide), et Tommaso Campanella (La Cité du Soleil) imaginent eux aussi des sociétés idéales, parallèlement aux juristes comme Jean Bodin qui recherchent, eux, à élaborer une constitution idéale pour réformer les communautés existantes. Campanella est notamment très préoccupé par l'organisation de l'espace urbain qui épouse l'organisation économique, sociale et politique de la cité idéale.
Avec la redécouverte des œuvres de Vitruve et les écrits de Leone Battista Alberti, la cité idéale se décline aussi dans l'art[7].
[modifier] Les expériences
Ces utopies vont s'actualiser dans l'urbanisme. Palmanova, ville fortifiée, avec sa forme d' étoile à neuf branches, vise à la fois la perfection formelle et stratégique. Sabbioneta réorganisée au XVIe siècle par le duc de Mantoue[8], est également une cité-forteresse idéale en miniature.
L'utopie uniquement sociale des anabaptistes de Münster, qui tentèrent d'instaurer une théocratie dans leur ville, fera peu d'émules. En revanche l'expansion coloniale permet à de petits groupes européens d'exporter leurs idéaux sous des cieux plus propices à l'expérimentation. Les missions jésuites du Paraguay embrigadent les Guaranis dans une expérience qui durera du début du XVIIe siècle à 1767. Les Puritains du Mayflower qui fuient l'Angleterre anglicane pour fonder une société nouvelle en Nouvelle-Angleterre se préoccupent moins d'urbanisme que de liberté religieuse, mais la fondation de Philadelphie en 1681 par le quaker William Penn renoue avec la tradition de la cité utopique dont l'architecture même reflète la société idéale qu'elle prétend fonder.
[modifier] XIXe siècle
L'idée qu'il est possible de jeter les bases d'une société meilleure dans la cité poursuit son essor, notamment parmi les révolutionnaires français qui, tel Saint-Just [9], n'auront pas le temps de réaliser leurs rêves d'une république vertueuse et idéale.
Claude Nicolas Ledoux (1736-1806)[10], en revanche, sera l'instigateur d'un des plus remarquables exemples de cité idéale dont la construction ait été tentée, la Saline royale d'Arc-et-Senans. Au XIXe siècle, ce sont les phalanstères de Fourier, qui inspirent au socialiste britannique Robert Owen des réformes de l'usine de New Larnark, puis l'idée de communautés utopiques qu'il tente de réaliser mais sans succès[11]. Citons aussi Étienne Cabet et son projet d'Icarie, Jean-Baptiste André Godin et son familistère, les communautés de saints-simoniens[12]. Un mouvement pour le retour à la nature se dessine avec les cités-jardin britanniques, dont l'idée est adoptée en France.
[modifier] XXe siècle
- Tony Garnier
- en:Hugh Ferriss
- Adriano Olivetti, Città dell'uomo (La Cité de l'homme)
- Le Corbusier
- Lucio Costa et Oscar Niemeyer
- Brasilia
- Auroville
[modifier] Les critiques
La cité idéale est critiquée dès l'antiquité par Aristophane, grand pourfendeur des idéalistes. Un passage des Oiseaux se moque des urbanistes géomètres. Jonathan Swift fera de même dans Les voyages de Gulliver (Laputa) qui montre les architectes commencer la construction des maisons par le toit.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
- La Réunion (phalanstère)
- Ebenezer Howard, promoteur des cités-jardin, notamment Letchworth et en:Welwyn Garden City
- Ville nouvelle
- Histoire de la cité-jardin du Vésinet
[modifier] Liens externes
- Différentes villes idéales, sorties de l'imaginaire d'un auteur
- Vision de la cité idéale par la population
- Gros dossier sur la cité idéale vue du Canada
- De la Cité idéale à la ville utopique, Philippe Cardinali
[modifier] Bibliographie
- Voyages aux pays de nulle part, Raymond Trousson, Bruxelles, 1979
- Johan Eberlin von Gunzburg's "Wolfaria": The First Protestant Utopia, Susan Groag Bell
[modifier] Notes
- ↑ Ancien Testament, Genèse 11 : cité idéale parce qu'elle satisfait les aspirations sociales des bâtisseurs : Allons! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre
- ↑ Hippodamos de Milet, Évolution ou révolution des structures spatiales urbaines ? Gabriela Cursaru, p.8
- ↑ Hippodamus est aussi le premier qui, sans jamais avoir manié les affaires publiques, s'aventura à publier quelque chose sur la meilleure forme de gouvernement. (Aristote, Politique, Livre II, chapitre V
- ↑ Apocalypse de Saint Jean (ou Révélation), XXI, 18
- ↑ L’abbaye de Thélème, Gargantua, chapitre LVII (1534)
- ↑ Ein newe Ordnüng weltlichs standts des Psitacus anzeigt hat in Wolfaria beschriben. (Nouvel ordre de l'état du monde) Der XI Bundtgnosz. Basel: Pamphile Gegenbach.
- ↑ Les tableaux dits Perspective de la cité idéale qui se trouvent à Urbin, Berlin, et Baltimore, un temps attribués à Piero della Francesca semblent l'être aujourd'hui à Alberti (Cardinali, p. 6)
- ↑ [1]
- ↑ Saint-Just, Fragments sur les institutions républicaines, 1793.
- ↑ L'architecture considérée sous le rapport de l'art, des moeurs et de la législation. Tome Ier, Introduction p. 3, [2]
- ↑ Orbiton, près de Glasgow, et New Harmony, dans l'Indiana (USA)
- ↑ Voir notamment leur rêve d'un Paris réhabilité La ville nouvelle, ou le Paris des saints-simoniens, par Charles Duveyrier, 1832, [3]
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